Presence
6.3
Presence

Film de Steven Soderbergh (2024)

Steven Soderbergh est un réalisateur qui n’est jamais là où on l’attend. Connu pour son éclectisme, il alterne entre films grand public (Ocean’s Eleven, Contagion), et films plus indés (Sexe, Mensonges et Vidéo ; Paranoïa ou encore et Unsane, tourné entièrement à l’iPhone). Son cinéma est imprévisible, et Présence en est un parfait exemple. Ici, il s’attaque au film d’horreur avec un concept hyper original : adopter le point de vue du fantôme.

Le film prend son temps pour s’installer : une famille emménage dans une maison, et nous, en tant que spectateur-fantôme, les suivons sans qu’il ne se passe grand-chose. Alors on se dit que ce n’est pas vraiment un film d’horreur. La mise en scène, avec sa caméra en grand angle, presque fish-eye, flottant à travers l’appartement comme une âme errante, donne une sensation de vertige. Ce choix visuel peut être perturbant, mais une fois habitué, il devient immersif, au point où l’on oublie notre statut de spectre et où l’on se sent… "présent".

Puis, soudain, on agit. Et c’est là que le film devient vraiment intéressant. Le fantôme que nous incarnons semble s’impliquer dans l’histoire de la famille. Pourquoi ? C’est à ce moment-là qu’on commence à prêter une réelle attention aux relations entre les personnages. Il devient évident que notre mission est de protéger la fille.

La jeune fille, persuadée que l’âme qui hante la maison est celle de son amie Nadia, récemment "suicidée", commence à communiquer avec nous. Et en tant que spectateur, on se met à penser que nous sommes effectivement Nadia. Ce sentiment est renforcé par notre proximité avec la jeune fille et notre hostilité envers un certain personnage : l’ami du frère. Peu à peu, on comprend que cet adolescent est dangereux. La tension monte lorsqu’il tente de tuer la fille. Cette fois, notre présence est décisive. Nous réveillons le frère, assommé par des somnifères, et s’ensuit le drame.

C’est dans la toute dernière scène, alerte spoiler, que le film nous assène son véritable choc. Devant un vieux miroir, la mère aperçoit notre visage de fantôme : c'est son fils. Elle hurle, comprenant que c’est lui qui est revenu protéger sa sœur. Et là, frissons garantis : nous, spectateur, qui pensions être Nadia depuis le début, réalisons que nous étions en réalité le frère… depuis toujours.

Cette révélation change totalement la perception du film. On repense à ce qu’a dit la médium : pour un fantôme, passé, présent et futur se confondent. Cela signifie que, dès le début du film, nous étions en fait l’âme du frère, errant dans la maison avant même sa propre mort. Ce retournement est brillant et donne une nouvelle dimension au concept de l’esprit errant. Et franchement, ça m’a perturbée.

Petit bémol: le jeu d’acteur de l’ado violeur-tueur. Il ne joue pas très bien, et son monologue de fin est bien trop démonstratif. Il aurait gagné à être plus subtil.

Autre point qui aurait pu renforcer l’impact du film : un peu plus de proximité avec le frère. Il aurait été intéressant qu’il ressente sa propre présence, qu’il ait des intuitions troublantes ou des moments de malaise, comme s’il pressentait son propre destin. Cela aurait ajouté une couche supplémentaire au trouble temporel et rendu la révélation finale encore plus marquante.

LoloPalmer
7
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il y a 6 jours

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