"Prince of Darkness" est un Carpenter prétendûment mineur...Il s'avère être en réalité un coup de maître qui fonctionne à chaque vision. Coup de maître : c'en est un de parvenir à réaliser un huis-clos aussi nerveux, aussi étouffant, aussi anxiogène pour tout dire, avec un budget dérisoire et pour matériau de base ce scénario abracadabrant mixant prophéties démoniaques, scientisme de pacotille, slasher et voyages dans le temps...Pourtant pas aidé par des acteurs assez insipides, exception faite de Victor Wong et Donald Pleasence, shakespearien comme jamais, le film réussit d'autant mieux à convaincre que l'argument "scientifique" initial est rapidement remplacé par un jeu de massacre jouissif et flippant, tant à l'intérieur de l'église désaffectée qui sert de décor à une intrigue revisitant le thème de la possession, qu'à l'extérieur colonisé par un gang de homeless nerveux dirigés par rien moins qu'Alice Cooper en clochard satanique et meurtrier. Le plus réjouissant étant peut-être la manière dont Carpenter recycle toutes les figures imposées du genre (signes dans le ciel, vermine et insectes, adorateurs du démon, grimoire ancien, crucifix...) sans basculer ni dans le grand guignol ou la grandiloquence, ni dans la bondieuserie (c'est le moins qu'on puisse dire), prenant au contraire le parti du minimalisme et de la sobriété visuelle, au service d'une vision sombre, voire désespérée, de la destinée humaine et de notre place de pions sur l'échiquier métaphysique. Une structure en béton, un montage serré ne laissant jamais retomber la tension, une gestion parfaite de son espace narratif, et une musique hypnotique, envoûtante (chef-d'oeuvre composé par Carpenter himself), font le reste. Big John signe là une de ses oeuvres les plus lovecraftiennes, et un des sommets du cinéma de trouille 80's.