Princesse Mononoké
8.4
Princesse Mononoké

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1997)

C'est en 1997 que le grand Hayao Miyazaki, dessinateur et cinéaste de génie, signe l'œuvre qui lui assurera (enfin) une renommée mondiale: "Mononoke Hime". Teintée de haine, de violence, de rudesse, mais aussi d'amour et d'une profonde humanité, cette sublime fresque infiniment intelligente parvient à toucher le spectateur au plus profond de lui-même. Certes, il met en relief de grands enjeux actuels avec une subtilité et une force inégalée; mais ce sur quoi il nous mène à méditer va encore plus au-delà de ces considérations. Car en plus d'être une somptueuse fable sur l'éternel face à face entre l'homme et la nature, la pièce maîtresse de Miyazaki est aussi une réflexion poignante sur l'idendité profonde des êtres, un questionnement essentiel et moral insondable ...

Le film parvient à atteindre une grâce absolue sur la fond comme sur la forme: pour mettre en relief ces méditations philosophiques fondamentales, Miyazaki nous dépeint toute une époque et ses mythes d'une façon exubérante de beauté. Tout d'abord, ce regard lucide et constructif sur la société médiévale japonaise, puis ces magnifiques paysages, la fascinante forêt où prend place une grande partie de l'action du film, et enfin ces personnages dessinés à la perfection, servis par une animation parfaite.

Même en regardant "Mononoke Hime" sans se soucier de ses préoccupations intellectuelles, ne pas être conquis par le film relève du défi. A travers le personnage d'Ashitaka, nous voyageons dans son merveilleux et terrible univers, des magnifiques grandes plaines aux imposantes forges, jusqu'à la forêt de toutes les légendes ; c'est en ce lieu que le dépaysement est le plus total. Fascinante, onirique, effrayante, majestueuse : on manque de qualificatifs pour décrire de telles visions. C'est bien simple: le film de Miyazaki, tant par sa magnificence que par les sentiments que dégage son visuel, constitue du jamais-vu dans le cinéma d'animation. Et bien au-delà encore ...
Cette perfection esthétique se retrouve également sur les personnages clés du film : aux trois protagonistes du film, Ashitaka, San et Eboshi, le cinéaste parvient à insuffler une grande beauté, une prestance, une grandeur d'âme, tout en les laissant profondément humains. Et comment oublier les animaux-dieux, gardiens de la forêt : des nobles grands loups blancs au grandiose Dieu-Cerf, qui apparaît sous sa forme nocturne comme la nuit personnifiée, on atteint là encore une fois une majesté unique.

Toutefois, il serait fort dommage de ne s'intéresser qu'à la couche superficielle du film : car il s'agit d'une oeuvre d'un potentiel philosophique inépuisable. Avec pour toile de fond la lutte entre les hommes et la nature au temps du Japon médiéval, "Mononoke Hime" privilégie les rapports complexes entre les personnages et se refuse à tout manichéisme. Miyazaki ne nous incite à prendre parti pour aucun camp. D'un côté l'Homme, luttant pour sa survie, mais épris dans sa folie destructrice (au risque de se détruire lui-même, comme nous le montre la dernière partie du film, une apocalypse littéralement hallucinante), et de l'autre les dieux de la forêt, symboles de la grandeur de la nature, de sa beauté, mais aussi de sa cruauté. Entre ces deux camps, deux personnages neutres; Ashitaka, âme blessée par la folie humaine et luttant pour sa pureté, décidé à faire coexister ces deux ensembles, et le Dieu-Cerf, symbole de l'équilibre naturel, maître de la vie et de la mort. L'histoire d'un combat et d'un amour éternels et métaphysiques.
Mais il semble difficile de passer à côté du chef d'œuvre d'émotion pure, ne serait-ce que pour la magnifique histoire d'amour qui naît entre Ashitaka et San, romance terrible et pleine d'espoir, toute en retenue. Tous bavardages inutiles sont mis de côté : les sentiments prennent au coeur le spectateur grâce à Miyazaki, dont la poésie lyrique et mélancolique transcende littéralement l'histoire, et à Hisaishi, qui par sa symphonie épique et intimiste parachève la grandeur de l'oeuvre.. La bouleversante scène où la princesse sauvage nourrit son amant dans un acte beau et sincère à en pleurer restera à jamais gravée dans la mémoire de chacun ...

Peu de films auront réussi à allier en son sein autant de passions ardentes, de points de vue antagoniste, d'émotions essentielles. De cette haine et de cette folie destructrice qui apparaît avec violence sur une nature défigurée et souillée à une vibrante histoire d'amour, en passant par autant de cas de conscience et d'enjeux dramatiques qu'il y a de personnages, rarement une œuvre sera parvenue à explorer tous les visages de la nature, aussi bien littérale qu'humaine.
Pour les spectateurs que nous sommes, il ne nous reste qu'à nous perdre dans cet univers mythologique si dépaysant, si lointain, et pourtant reflet de tant de préoccupations fondamentales, longtemps encore après la projection ...
Trelkovsky-
10
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le 4 janv. 2012

Modifiée

le 15 août 2012

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Trelkovsky-

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