Prisoners se démarque des thrillers du genre par une intrigue ficelée avec un soin extrême, une photographie particulièrement réussie et une histoire aux rebondissements intéressants. Voir enfin Hugh Jackman dans un autre rôle que celui d'un super-héros à griffes en adamantium ringard, ça fait non seulement du bien au moral, mais ça ouvre une perspective nouvelle à la carrière d'un acteur que je n'ai toujours apprécié qu'avec parcimonie. Gyllenhaal est comme souvent irréprochable, sobre et juste dans sa performance de flic solitaire et acharné, tourmenté par ses failles mais guidé par une rigueur et une gnaque hallucinantes.
L'atout majeur de ce film réside probablement dans sa capacité à doser ses effets. Loin de chercher à tout prix la surenchère, il préfère rester modeste dans ses objectifs, ne frustrant ainsi guère les attentes de son spectateur. Si l'on peut regretter certaines ficelles visibles ou prévisibles, je serais ingrate de dénier le plaisir que m'a procuré un visionnage enrobé d'une bande-sonore discrète, lancinante et soulignée avec ironie par quelques orgues accusateurs.
Villeneuve met le doigt sur cette Amérique profonde, obsédée par la religion mais tourmentée par des mélodies vengeresses opposées aux évangiles. L'on se sent loin du monde, de toute notion de civilisation rassurante. Seule demeure la forêt, oubliées les couleurs chaudes ; neige, bruine et brouillard recouvrent les secrets de ces petites villes étouffant sous les secrets, les squelettes dans les placards et les trappes dans les maisons et les jardins.
Mélancolique et puissant, Prisoners nous laisse bien songeurs, et surtout, nous fait nous demander combien de cas de disparitions, de meurtres et de viols attendent encore, depuis des décennies, dans les bois de Pennsylvanie et d'ailleurs.