C’est dans l’atmosphère pluvieuse et froide d’une petite ville américaine que les personnages évoluent. Keller, le père de famille au désespoir qui sombre dans la violence pour retrouver sa fille, et Loki, le bon flic consciencieux qui finit par se prendre au jeu de la frontière de la loi. On aurait pu se fendre d’un procès en personnages caricaturaux, mais la performance des deux acteurs, impressionnante, rattrape cet aspect réchauffé.
SPOILER ALERT
Au milieu de plans travaillés et d’une précision remarquable, de dialogues bien ficelés et d’une trame de fond religieuse ni trop facile ni trop dissimulée, l’enquête évolue en suivant deux chemins, celui du flic et celui du père.
Ou plutôt n’évolue pas, et c’est là ce que l’on peut reprocher à ce film. Car s’il parvient à nous tenir en haleine pendant 2h30, ce n’est certainement pas grâce à son scénario. D’un côté, Loki, dès le début, est dans un labyrinthe dont il ne sortira pas (on en convient, c’est le thème du film). Toutes les actions que le personnage effectue n’aboutissent à rien dans l’intrigue. S’il se pose en sauveur miraculeux, ce n’est pas du fait de son génie, à aucun moment il ne comprend avoir de voir presque par hasard le médaillon du mari de la coupable sur une photo, alors qu’il ne se trouve là que du fait d’un ordre donné par son chef.
De même pour Keller, qui s’accroche à la culpabilité d’un suspect comme on s’accrocherait à une croyance désespérément, sans preuve, sans raison, mise à part quelques phrases susurrées à demi-mots, que personne n’a entendu devant 10 caméras. On attend 2h pour qu’à la fin, une des filles se libère toute seule, et pour nous faire croire que Keller finit par tout déduire, elle ne dit pas explicitement où est la planque. Mais si lui seul comprend, ce n’est pas du fait de son intelligence hors pair, c’est simplement parce qu’il y est déjà allé.
Prisoners reste un bon film cependant, car on peut appréhender ces facilités scénaristiques (comme la cavalerie qui déboule à la fin, ensanglantée mais prête à se battre pour sauver la jeune fille) dans le thème du film : le labyrinthe, celui de l’homme qui y est entré avec le pêché, et qui n’a pas de sorti. Peu importe les actions que les personnages effectueront, cela ne les aidera pas à en sortir, à résoudre l’enquête. Mais cela reste assez frustrant, car on ne peut ni parler de franche résolution d’enquête, ni parler de véritable « plot twist » à la Usual Suspect, rien n’est résolu, rien n’est réellement prémédité, l’enquête patine sans que personne ne vienne la dévier, elle se dévie d’elle-même.