Le Silence des Agneaux, Zodiac: des comparaisons élogieuses, le film Prisoners en compte pas mal. Et effectivement, il ressemble peu ou prou à un condensé des deux films cités plus haut. Ce qui n'est finalement pas surprenant tant son script offre une latitude peu ordinaire pour un thriller. Le kidnapping de deux petites filles le jour de Thanksgiving secoue une petite ville dans la banlieue de Boston. Mais va vite se révéler n'être que le point de départ d'une histoire encore plus noire et retors. Alors que le détective Lokki relâche un suspect que beaucoup d'éléments semblaient accuser, le père d'une des deux fillettes -Keller Dover- décide d'agir pour les retrouver lui-même...quelque soit le prix à payer. Les jours passent et avec eux les chances de retrouver les deux enfants en vie. L'équation est d'autant plus complexe car Lokki doit absolument résoudre cette affaire avant que Dover ne commette l'irréparable.
Tout réalisateur de thriller sait que, dans le domaine, il passera toujours derrière le film de Jonathan Demme avec Hannibal Lecter, et surtout David Fincher qui a quasiment réinventé le genre à lui seul. Manifestement, Denis Villeneuve le sait et son nouveau film emprunte aux deux cinéastes le sens du rythme, n'hésitant pas à étirer les scènes pour conférer au film une ambiance encore plus délétère et désespérée. Prisoners partage également avec Le Silence des Agneaux cette ambigüité morale, et n'a clairement pas à rougir de la comparaison tant elle est poussée à son paroxysme ici. Les actes de Keller pour retrouver sa petite donnent lieu à des scènes d'une tension extrême et une sensation de malaise rarement atteinte sur grand écran. Elle est d'autant plus insoutenable que Keller, victime passée au rang de bourreau, est aveuglé par son dogme.
Dans ce rôle complexe, Hugh Jackman, d'une intensité incroyable, trouve sa meilleure prestation depuis Le Prestige. Jake Gyllenhaal, dans un rôle aux antipodes de celui qu'il tenait dans...Zodiac (tiens?), est aussi étincelant dans les pompes du policier désabusé mais qui n'a pas renoncé pour autant. La photo de Roger Deakins achève de donner à Prisoners les allures d'un futur classique. Il n'est pas sans défaut: les 2h30 se ressentent sur le dernier quart d'heure. Mais il n'empêche qu'on tient sûrement l'un des meilleurs polars de ces dernières années, au scénario implacable (disséminant rebondissements et indices pile au bon moment).