Putain quelle claque. Rarement un thriller m'aura fait cet effet. Haletant du début à la fin, pas très prévisible, et surprenant à la fin. Une claque. Mais je me répète.


          L'intrigue principale, même si elle est classique (deux fillettes enlevées, tout accable le suspect principal, etc.) est traitée avec brio. Et c'est là la force du film. Denis Villeneuve prend le schéma basique du film policier, le torture autant que le personnage principal de son film le fait du suspect, le tord dans tous les sens et nous pond ce petit chef d'oeuvre du genre.
L'histoire commence tout de suite. Merci. Nous épargner toutes ces fausses jolies scènes typiques montrant une famille parfaite, unie et aimante est un délice.
Villeneuve nous propose une caméra qui préfère les premiers plans aux arrières plans, le flou à la netteté, la salissure à la propreté. Esthétique intéressante et belle à regarder (netteté faite sur un tronc d'arbre ou sur la vitre elle même plutôt que sur l'élément derrière qui importe vraiment. Joli.)

Sa caméra préfère aussi les larges plans séquences aux plans étroits, rapprochés. Les acteurs ne sont donc pas prisonniers de son cadre.
Sa caméra n'est pas à l'épaule mais sur un chariot de travelling. Classique mais bien plus efficace et puissant.
Sa caméra recherche la noirceur (plans en contre jour qui noircissent les formes, plans dans l'obscurité quasi totale qui oppressent terriblement).
Et ça tombe bien car le film l'est absolument.
Noir et froid comme la neige du Canada.


                   Le danger, représenté par ce camping car, a la tendance malsaine d'attirer les enfants au début du film. Et ce dernier, symbole du Mal, mènera le policier, grâce à la figurine, à la solution. Trouvaille fine de retournement de situation. Le retournement de situation se trouve aussi dans le fait que le père, la victime en quelques sortes, se transforme en un monstre aimant. Et Hugh Jackman incarne avec brio ce père impulsif, violent, mais attachant, qui fera tout, je dis bien tout, pour retrouver son enfant. Ce dernier est épaulé par de solides seconds rôles (Terrence Howard qui est décidément abonné aux seconds rôles) qui sont aussi finement étudiés que le personnage principal. Puissant rôle de mère que nous fait là Viola Davis. Bien plus puissant que le fébrile père qu'interprète Howard. 
Villeneuve ne centre pas l'intrigue sur Jackman et tente de ne pas nous faire oublier que deux fillettes ont été enlevées et que les deux familles sont tout autant concernées. Jake Gyllenhaal est tout bonnement impeccable en flic pur et dur, totalement esseulé (n'est jamais accompagné par un collègue ; intéressant mais peu réaliste) mais qui reste néanmoins le personnage le plus humain du film ; doué, drôle à certains moments par ses remarques et ses questions tout sauf anodines, il fait aussi des erreurs, insulte son supérieur (Merci de ne pas nous montrer une police bien sous tous rapports et parfaitement protocolaire. Merci).
Le canadien ne nous épargne pas la violence, la montre, brute, pure, et choque, préférant l'usage des sons à l'image, procédé d'autant plus dur qu'il laisse au spectateur l'horrible délice de s'imaginer ce qu'il se passe (à la manière d'un roman)

Idée géniale ; un nouveau suspect est un mec malsain et dégueulasse qui sort purement de nulle part et piège l'histoire dans une spirale totalement hallucinante entre labyrinthes et serpents.
On sent ici l'inspiration certaine du SEVEN de Fincher (chef d'oeuvre du genre et même chef d'oeuvre tout court) baigné lui aussi par des torrents pluvieux.


               Villeneuve nous épargne de plus les musiques additionnelles qui auraient fait perdre toute crédibilité au film (Merci encore.) et laisse Jóhann Jóhannsson (nom pour le moins amusant) rythmer son film et le plonger dans une ambiance encore plus terrifiante qu'elle n'est déjà. Enfin il nous épargne aussi une fin nulle (ou même une fin tout court) qui aurait mené son film au suicide artistique. Et de clôturer ces deux heures et demies par un superbe plan final qui dit tout (d'autant que la fin est presque entièrement expliquée une scène avant).
Au final le réalisateur nous épargne tout ce qui aurait put faire couler son film dans le ridicule, tord le cou aux clichés, ne cherche pas à effrayer pour effrayer (très peu de moments où l'on sursaute) mais plonge le spectateur dans une angoisse et le laisse s'enliser et s'y enfoncer profondément au point d'y rester prisonnier. Ce dernier est encadré par le titre du film au tout début et à la toute au fin ; car au final, les vrais prisonniers, c'est nous.

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le 26 oct. 2014

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Charles Dubois

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