En reprenant les minutes du procès et du procès en réhabilitation de Jeanne d’Arc, Robert Bresson se place d’un point de vue purement documentaire, cherchant à faire revivre au plus près la voix de Jeanne d’Arc. Il choisit une jeune actrice amateur inconnue du grand public et qui paraît physiquement assez proche de l’image frêle mais opiniâtre qui sied à la sainte. Du moins tel que l’on se l’imagine. Effort louable, mais qui, n’en déplaise à une critique cocardière, reste un remake de la « Passion de Jeanne d’Arc » de Carl Th. Dreyer. Malgré un minutage ramené à soixante cinq minutes qui permet de gagner en intensité, le catholique Bresson se heurte à la croyance fanatique et hallucinée de Dreyer (quelle horreur pour tout intellectuel français, donc de gauche). Face à cette Jeanne fille de dieu, version féminine du Christ, interprétée par une Falconetti transcendée, Florence Delay qui a pourtant l’âge requis, fait pâle figure. La mise en scène épurée de Bresson semble un terne brouillon face à la puissance des images de Dreyer, quelque part entre Lang et Eisenstein. Pas inintéressant, mais critiquable sur la forme, le cinéaste français, pensant, à tort, que des images fortes nuiraient à la parole, alors qu’au contraire, elles la sublimeraient. Ainsi la fin sur le bucher, évitant toute image choquante, se présente comme la simple continuité logique de ce procès trafiqué, permettant au spectateur d’échapper à l’horreur éprouvante et révoltante montrée par le maître danois. Les tenants des Cahiers du Cinéma de l’époque, Jean Narboni en tête, ont encensé une démarche non cinématographique, symptomatique d’une « exception culturelle française », qui considère que le film de Bresson est le meilleur sur Jeanne d’Arc à ce jour. Pensée toujours actuelle, révélatrice de l’insigne faiblesse culturelle de nos « élites » quant au septième art.