J'en veux un peu aux magazines et autres syndicats du cinéma fantastique contemporain d'être régulièrement aussi saucés par des films qui finissent par se révéler, au mieux, moyens quand je finis par poser les yeux dessus. Ne serait-ce que récemment, les Terrifier, The Sadness et autres gros rouges qui tachent m'ont sérieusement déçu. Un film d'horreur n'a pas besoin que d'être gore pour être réussi, et de plus en plus de cinéastes ou journalistes semblent un peu l'oublier : les premiers, trop contents d'être enfin exposés au cinéma (la France notamment, il est vrai, envoie en salles un nombre étonnant de films qui n'auraient jamais dépassé la VOD il y a à peine quelques années) ; les deuxièmes, alléchés par la rare possibilité de vendre des articles élogieux dans un paysage qui manque malgré tout de piquant (Fausto Fasulo, rédacteur en chef de Mad Movies, le rappelle presque à chaque éditorial depuis des mois, voire des années).


J'y allais donc mollo pour Projet Wolf Hunting, énième récente bête de festival qui a fait la tournée de nos nationaux Gérardmer, Etrange festival ou PIFFF, en suspectant l'overrating désormais caractéristique de ce genre de production. Et autant dire que si je ne m'attendais pas à grand-chose, la torture qu'a constitué ce moment de "cinéma" (avec de gros guillemets) m'a rendu malgré tout incapable de tenir jusqu'au générique de fin. The Sadness ou Terrifier, malgré leurs gros sabots et leur manque de recul, avaient quand même pour eux une certaine vision, une démarche artistique un minimum exigeante qui les rendaient attachants en dépit de leurs (très) nombreux défauts. Pour Projet Wolf Hunting, ce n'est vraiment pas le cas : le film a à peu près zéro ambition à faire valoir, c'est une espèce de fanfiction horrifique qui compte uniquement, strictement, exclusivement, sur ses hectolitres de sang pour faire parler de lui. Et, forcément, ça ne marche pas. Du tout.


Le scénario du film prétexte donc un transfert de dangereux criminels des Philippines vers la Corée en paquebot pour mettre une scène une rébellion de condamnés ultraviolents fermement décidés à anéantir leurs geôliers. En passant outre la logique vacillante du propos (l'introduction nous explique que le transfert par bateau a été décidé pour éviter tout contact des prisonniers avec la société civile), on se tape quand même une présentation des personnages extrêmement caricaturale et expédiée qui rappelle énormément les films d'action américains des années 80 façon Mark L. Lester ("Commando") : les méchants sont très méchants, les gentils sont très gentils mais quand même très violents, et tous les dialogues semblent avoir été rédigés par une intelligence artificielle tant on les a entendus mille fois depuis 50 ans dans tous les films du genre. Question thriller aquatique, Speed 2 est probablement mieux écrit et propose des personnages nettement plus intéressants, mieux vaut le savoir. Même le Vaisseau de l'angoisse de Steve Beck, reliquat de certaines des plus épouvantables productions Dark Castle du début des années 2000, est un bon cran au-dessus de Projet Wolf Hunting en matière d'introduction et de caractérisation des personnages.


Autant dire qu'avec une telle bande de pieds nickelés méchants comme gentils, je me moque comme d'une guigne de savoir qui va tuer qui, mais je me rabats quand même sur l'espoir d'une certaine qualité esthétique, au vu des louanges lues un peu partout et en raison du parcours prestigieux du film. Grave erreur : Projet Wolf Hunting propose un alignement de scènes de violence non seulement extrêmement mal conçues, mais aussi très mal filmées, en insistant tellement sur les mêmes gimmicks récurrents que les milliers (millions ?) de litres de faux sang versé m'ont plongé dans une irrémédiable catatonie dès la première effusion. En gros, peu importe ce qu'on pense qu'il va se passer : si deux personnages se croisent, il vont se tirer dessus ou se larder de coups de couteau, toujours de la même façon, toujours avec les mêmes cadrages maladroits, toujours avec une piscine de faux sang coupé à l'eau, et aussi et surtout toujours avec les mêmes bruitages libres de droit sursaturés qui occupent l'espace sonore avec la subtilité de votre voisin du dessus découvrant les décibels maximum de sa nouvelle sono.


D'un point de vue visuel comme auditif, l'atmosphère de Projet Wolf Hunting est véritablement immonde, clairement farcie par tous les trous d'un amateurisme ultra-gênant qui ferait passer les Terrifier pour du Kitamura des grands jours. Les plans sont épileptiques, les exactions de la bande de fous qui s'échappe de ses geôles ne s'accompagnent jamais d'une once de motivation et n'ont jamais les conséquences qu'elles devraient avoir d'un point de vue purement logique ou anatomique. C'est juste du sang, du sang, du sang, dans un montage clippesque qui est finalement plus douloureux pour les oreilles que pour les yeux, tant les potards ont donc été poussés au max sur le moindre effet sonore cheapos. C'est juste insupportable, ça ne fait pas peur, ce n'est pas dégueulasse, non, le seul sentiment que j'ai ressenti est une gêne diffuse pour les metteurs en scène.


En termes de scénario, il y a bien un twist évidemment, l'irruption rapide d'un monstre sanguinaire dans le combat entre détenus et policiers. C'est un peu l'"unique selling point" du film, ce qui le rend original et celui sur lequel le réalisateur a dû bien insister en pensant que cela suffirait à emmener son film vers de nouveaux horizons. Eh bien, mon dieu. On assiste en effet assez rapidement, dans cette baston générale, à l'arrivée d'un new challenger mutant échappé d'un labo clandestin qui était caché dans les cales du navire. En gros, le monsieur arrive dans une démarche à la M. X de Resident Evil 2 en beaucoup moins flippant, tape ou serre très fort les gens dans de gros bruits de bulldozer métalliques (apparemment, le corps humain, d'après les sound designers, est composé à 75% de fonte et 125% de sang - les maths sont bons), et bondit vers sa prochaine victime. Bis repetita, rinse and repeat.


La pire réaction que peut susciter un film d'horreur est l'absence de réaction. Projet Wolf Hunting, malgré la furie permanente et excessive de ce qu'il montre (les scènes les moins nécessaires sont souvent les plus gore et les plus invraisemblables) semble étrangement viser cet objectif, puisqu'il prend soin de rester toujours très premier degré, très répétitif, sans aucun recul sur son propre art ni la moindre malice dans sa mise en scène. Le film ne fait que nous convier à deux heures de violence sans but ni vision, mises en boîte approximativement et sans la moindre passion apparente de quelque corps de métier que ce soit pour le cinéma de genre. Rien n'est inventif, original ou crédible. L'horreur n'a aucun poids, elle ne pèse littéralement rien, elle est à la fois omniprésente graphiquement et paradoxalement totalement absente tant elle n'est au service de rien, ni en termes de récit, ni en termes d'ambiance. Et c'est un peu ça, Projet Wolf Hunting : un grand rien. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ce film a-t-il fait la tournée des festivals, pourquoi est-il sorti en salles ? La première série Z en streaming ou DTV a toutes les chances d'être faite avec au moins autant de passion et de bon sens que cette abomination. Epargnez-vous un mal de crâne doublé d'une furieuse envie de zapper toutes les 5 secondes, épargnez-vous une insulte au bon goût, épargnez-vous Projet Wolf Hunting.

boulingrin87
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le 29 juil. 2023

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Seb C.

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