La plupart des gens, quand on parle de Pulsions de Brian de Palma, citent un "vulgaire plagiat de Psychose". Pourquoi ? Déjà parce que le style de De Palma ne plait pas à tout le monde, et parce que le film le plus connu d'Hitchcock est si profondément ancré dans la culture populaire, qu'il en est devenu un symbole, intelligent, angoissant, d'une rare qualité de mise en scène, Psychose était une révolution pour l'époque et a traumatisé une génération entière. Ce constat d'un classique hollywoodien devient évidemment un challenge lors d'un reboot ou d'une suite, car c'est un véritable défi de satisfaire de nouveau la dite génération.
Si c'est évident que Pulsions est dans la même veine sur certains points, eh bien on ne peut pas dire que le film lorgne complètement sur Psychose.
Déjà, le film se veut, non pas un remake, mais un film qui s'inspire du classique d'épouvante du maître, à l'instar du premier film Star Wars, qui s'inspire librement de La Forteresse Cachée d'Akira Kurosawa (et qui n'est pas catalogué en tant que remake ou plagiat à ce que je saches); il n'a même pas la prétention de s'appeler Psychose.
De Palma n'a jamais caché que Hitchcock était sa principale influence cinématographique, et Pulsions, c'est son hommage au géant aux multiples classiques, sa déclaration d'amour au cinéma.
Le contexte est radicalement différent, le maître d'hôtel devient un médecin, l'ambiance glauque typique du Hollywood Classique est remplacée par une atmosphère pétante avec des couleurs ultra contrastées (les œuvres à De Palma ont quasiment tous une atmosphère unique, après plusieurs films visionnés de ce cinéaste, je comprend que même au sein de sa génération de géants, il est catalogué comme un OVNI), finie l'image de la mère, ici, c'est le thème de la transsexualité qui est présenté, sous une ambiance plus passionnelle, moins lugubre, où le cinéaste se fiche totalement de la censure (belle époque que le Nouvel Hollywood pas vrai ? Pardon je sais, je me répète à quasiment chaque film de cette époque); le classique d'épouvante devient un thriller érotique. Quasiment le seul point commun entre ces deux films qu'on ne peut louper bien sûr, c'est cette volonté de décrire un personnage qui est en apparence le premier rôle, le rendre part intégrante de l'oeuvre et ensuite, au beau milieu du film ou même avant, tuer ce même personnage à la grande surprise des spectateurs et redémarrer une nouvelle intrigue à partir de ça.
Le film est fort d'une assez exceptionnelle maîtrise technique, il n'y a pas de doutes, on est vraiment face à un De Palma, dont la plupart de ses thématiques sont là, les femmes, le meurtre, le voyeurisme, le vice, le thème du double maléfique, (ici à son paroxysme puisqu'il s'agit de la même personne). Génie de la tension et de l'image, que ce soit à travers l'immense travail sur les miroirs et les reflets (comme son pote Spielberg, De Palma aime capter les émotions de ses personnages à travers les glaces, les miroirs...) ou cette brillante insertion du split-screen tellement typique de ce cinéaste, il n'y a vraiment rien à redire.
Les acteurs sont impeccables, que ce soit la pauvre Angie Dickinson, et sa scène d'introduction torride que le spectateur n'est pas prêt d'oublier, la belle, mais qu'elle est belle, Nancy Allen, et l’impressionnant et talentueux Michael Caine, que ne je suis pas prêt d'oublier non plus, car c'est bien le premier film que je vois de lui où il avait moins de 70 ans (le syndrome "Nolan", dont le Michael Caine vieux est un habitué de la plupart de ses films qui traversent actuellement ma génération).
Tout comme Scarface deux ans plus tard (mais qui, pour le coup, se revendique un remake), De Palma entreprend la relecture d'une oeuvre, mais en ne gardant que le matériau de base, et en transfigurant tout le reste à sa sauce tellement unique dans le milieu du septième art, il arrive à s'approprier un mythe et à le présenter sous un jour neuf, parfois même en rendant ce mythe reconstruit meilleur que l'original.