Arthur Vlaminck,trentenaire destiné à la fonction publique,intègre le Ministère des Affaires étrangères dirigé par le flamboyant Alexandre Taillard,dont il doit écrire les discours.Tout ça est très sérieux en apparence mais le jeune homme se retrouve au milieu d'un véritable asile d'aliénés.Pour son dernier film de fiction Bertrand Tavernier,décédé en 2021,adapte la célèbre BD de Christophe Blain et Antonin Baudry,avec qui il a coécrit le scénario.L'oeuvre est inspirée de l'expérience vécue de Baudry car le futur réalisateur du "Chant du loup",polytechnicien et normalien,fut réellement la plume de Dominique de Villepin au Quai d'Orsay de 2002 à 2004.Dynamique en diable,la caméra légère d'un Tavernier inspiré cavale à travers les couloirs et les bureaux de cette fourmilière d'agités du bocal qu'est ce ministère.Les dialogues,brillants et incisifs,restituent l'ambiance extravagante de cette institution en ébullition permanente sous l'autorité d'un Taillard survolté,phraseur,qui met sans arrêt la pression sur sa myriade de conseillers afin qu'ils le briefent,chacun étant spécialisé dans une partie du Monde,et lui écrivent ses textes.Mais il n'est jamais satisfait,n'écoute personne et in fine improvise la plupart du temps,porté par sa "vision" et sa passion pour la littérature.Heureusement qu'il y a Maupas,son directeur de cabinet,un vieux de la vieille qui connait toutes les ficelles et,entre deux siestes,recadre ce bordel pour expédier les affaires courantes.Cette description d'un centre de pouvoir est désopilante mais fait en même temps assez peur tant l'incompétence et l'approximation paraissent présider aux relations extérieures de la France.C'est sans doute exagéré dans le but d'alimenter la fiction cinématographique,et il faut espérer que Villepin était moins cinglé que Taillard.Tavernier se délecte aussi à dénoncer ironiquement les travers administratifs,les millefeuilles de responsabilités qui paralysent l'action,les guerres d'ego,les rivalités professionnelles,les mesquineries,les coups bas,les batailles pour obtenir un statut ou juste un bureau.Vlaminck écrit dans l'urgence,réécrit,se fait rabrouer sans cesse et accumule les heures sup non payées,l'Etat français dans toute sa splendeur.Il semblerait en tout cas que ce ministère possédait une marge de manoeuvre importante à l'époque,pas comme maintenant avec l'international géré en direct à l'Elysée avec un Droopy Le Drian qui fait de la figuration même pas intelligente.Une galerie de portraits savoureux égaye le film,d'autant qu'elle est portée par une troupe de comédiens au top et complètement déchaînés.Si Raphaël Personnaz,la transparence en personne,est comme d'hab inexistant,ça cartonne méchamment autour de lui.Thierry Lhermitte exécute un numéro de haute volée en ministre perché au charisme éclaboussant.Niels Arestrup,toujours aussi juste,est parfait en dircab imperturbable qui en a vu d'autres.Les divers conseillers sont interprétés par Bruno Raffaelli,pragmatique et gueulard,Julie Gayet,qu'on sait très au fait des arcanes politiques,en vipère nympho,Thomas Chabrol,manoeuvrier et prudent,Thierry Frémont,déconneur et obsédé sexuel et Jean-Marc Roulot,fourbe et prétentieux.On a aussi Alix Poisson et Marie Bunel en secrétaires dévouées,Anaïs Demoustier en petite amie charmante d'Arthur,Sonia Rolland en conseillère parlementaire,François Perrot en père du ministre,Didier Bezace et Jean-Paul Farré en écrivains ringards et mégalos que consulte leur ami Taillard,sans pour autant les écouter plus que les autres.Il y a également une hilarante séquence de dîner avec Jane Birkin en romancière nobélisée et effarée face à Taillard qui ne la laisse pas en placer une.Et on décroche le pompon avec l'apparition dans son propre rôle de Bruno Le Maire, encore chez LR à ce moment-là,le pitre qui veut ruiner l'économie russe.Il en est d'ailleurs capable,même si ce sera long,il a déjà réussi à détruire l'économie française en cinq ans.