Efficacité, crédibilité, subtilité
Sans être une grande adepte du 9ème art, j'avais eu l'occasion de tourner quelques pages de la BD "Quai d'Orsay" qui m'avait intéressée par son sujet et son ton, plus que par son dessin. Etant davantage une adepte du 7ème art, j'attendais impatiemment la sortie du Tavernier. Fin de l'impatience. Une bonne surprise. C'est d'abord un bon, un très bon film, réalisé de manière impeccable (on n'en attendait pas moins d'un Tavernier), empruntant même certains codes à la BD (les portes qui claquent) sans pour autant dénaturer le côté réaliste de l'action. Le ton justement, est l'un des autres aspects du film qui m'a beaucoup séduite. Tandis que je craignais un traitement un peu "cartoon" des situations, je trouve qu'au final le ton reste réaliste et crédible, on croit à ces situations et c'est ce qui participe d'ailleurs au comique. Le film, paraît-il, serait assez fidèle à la BD. De Villepin n'aurait-il pas dit que c'était encore "en-dessous de la réalité" ? Ca prête à sourire.
Côté personnages, le film est bâti autour du duo Raphaël Personnaz (Arthur Vlaminck) / Thierry Lhermitte (Alexandre Taillard de Worms), alias DDV, accompagné d'une suite de personnages secondaires (des secrétaires aux conseillers de tous poils). Si le rôle de Personnaz m'a relativement convaincue (dans le rôle du candide qui met le pied en même temps que le spectateur dans cet univers "déjanté"), le choix de Lhermitte dans le rôle du Ministre ne m'a en revanche pas conquise. Pas qu'il soit mauvais, pas qu'il n'ait pas le physique, le ton et l'attitude de l'emploi… Juste une impression permanente de le voir adopter une posture, de réciter un texte. Le rôle qui m'a en revanche le plus emballée est celui du directeur de cabinet joué par Niels Arestrup, assez éloigné de ses rôles traditionnels. De par son calme et son intériorisation, il tranche avec l'excentricité du Ministre. Chapeau également à la série des conseillers que je trouve particulièrement réussis dans leur genre, de l'austère Chabrol au plus vrai que nature Raffaelli (conseiller Moyen-Orient) à la démonstrative Julie Gayet. Même les secrétaires sont bien choisies (à l'exception de Sonia Rolland, dont on se demande ce qu'elle fait là). Au final, le traitement du Ministre m'a plutôt surprise, je ne me souvenais pas de cette acidité de ton dans la BD. On découvre un personnage grandiloquent, qui brasse un maximum d'air mais un minimum de dossiers, stabilotant des Héraclite à tout va et étant le plus souvent à côté de ses pompes (confère le déjeuner surréaliste avec la prix Nobel de littérature que chacun aura reconnue).
La réalisation tonique participe au bon rythme de l'ensemble, même si le film s'essouffle légèrement dans son dernier tiers.
En tout cas, le film reste de très bonne facture, d'un burlesque et d'une drôlerie certaine ne versant jamais dans l'extrême caricature malgré l'exagération de certains traits des personnages. Les dialogues sont précis, le vocabulaire technique et malgré un Lhermitte qui ne prend pas à mon goût, la galerie de personnages vaut le détour.
Et pour le clin d'oeil aux fans de Colette Renard : www.youtube.com/watch?v=UcW4RfhbM88
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