Les vieux ont la pêche.
Tavernier réalise avec Quai d'Orsay, à 74 ans, son Loup de Wall Street à lui.
Non pas sur le sujet, mais plutôt du point de vue du rythme. Exceptionnel.
Ce film est une explosion. 1h40 qui ne lâchent rien, ou le rythme va crescendo. On se dit bien qu'à un moment le tout va se poser. Mais non. JAMAIS. C'en est limite éprouvant.
Tavernier a officiellement une pêche d'enfer : sa caméra est nerveuse, proche d'un docu (comme avait pu l'être In The Loop), toujours juste, à l’affût de la moindre complicité entre deux comédiens.
Elle parvient à donner une solidité, une constance à ce bordel ambiant, à l'organiser, le chorégraphier, sans jamais être brouillonne à son tour. Nerveux dans le style et dans les déplacements (le film, tourné aux quatre coins du monde), les comédiens s'en donnent véritablement à cœur joie. Tous sont irréprochables et leurs personnages (dont on s'amuse à voir à quels point ils sont inspirés du gouvernement Chirac, dont le film est une entière parodie) sont si caractéristiques et hilarants dans leur genre (Lhermitte et son obsession pour les choses rangées, ses stabilos et le langage avec lequel il ne sait lui même se démener, Arestrup et son calme glacial et son efficacité pourtant unique au travail, Gayet, la pute sadique de service, ou encore Frémont, le grivois aux blagues graveleuses - même un second rôle comme celui de l'excellente Alix Poisson est réussi ! -) qu'on s'identifie totalement au personnage de Raphaël Personnaz, plongé dans ce délire que l'on espère romancé tant il donne à voir une vision pitoyable de la politique française. Pitoyable mais hilarante.
On trouve un véritable repos avec les personnages normaux que sont ceux de Personnaz et Demoustier, soutient vital, loin des tchic et des tchac, du montage frénétique, des cuts acharnés et des téléportations hallucinatoires.