Quand les tambours s'arrêteront par Teklow13
En 1880, les Apaches Mescaleros, repoussés par les blancs, sont en guerre, à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Ici se trouve Spanish Boot une petite ville où le maire Joe Madden expulse le joueur professionnel Sam Leeds qui vient d'abattre un autre joueur.
Madden qui veut nettoyer la ville expulse le joueur ainsi que les prostituées du patelin.
Quelques temps après Leeds retrouve les prostituées massacrées par les Apaches et revient prévenir le village.
Quand les tambours s’arrêteront est un western étonnant et très singulier surtout compte tenu de l’époque à laquelle il est sorti, début 50’s.
Etonnant sous plusieurs aspects. Déjà car il propose une vision de l’indien qui va à l’encontre des changements cinématographiques qui bouleversent le western de l’époque. Le film arrive notamment après la flèche brisée de Daves et la porte du diable de Mann. Soit deux films pro-indiens.
Ici, et sans jamais que l’on puisse trouver la vision du réalisateur raciste ou anti-indien, on est dans une approche totalement différente. Ce qui n'empêche en revanche pas de filmer certains citoyens de la ville qui apparaissent eux clairement anti-indiens, et d'en profiter par la même occasion de dénoncer certaines absurdités comme par exemple cette loi qui condamne à une peine de prison de 20 ans celui qui donne à boire à un indien.
Dans ce film, le point de vue est uniquement celui de l’homme blanc. Il n’y a pas de contrechamp, l’indien n’est pas filmé directement. Nous ne le voyons qu’à travers le regard des blancs. L’indien est presque totalement en hors champ, et devient ainsi une menace planante, invisible, quasi abstraite. On l’entend crier, on entend les tambours de guerre résonner, mais son corps même n’apparaît que dans le surgissement. Et cette vision confère au film une dimension fantastique, voire horrifique, qui enveloppera en particulier toute la dernière partie du film, où l’abstraction évoquée plus haut trouvera son apogée. Cet accent fantastique n’est pas si étonnant lorsque l’on s’aperçoit que le producteur, très actif, du film n’est autre que Val Lewton, a qui l’on doit notamment les 3 films de Tourneur : la féline, l’homme-léopard ou Vaudou.
Cette dernière partie est génialement mise en scène. Les citoyens de la ville, sous l’assaut des indiens, sont obligés de se réfugier dans une église. Plongés dans un quasi obscurité, le seul contact avec l’extérieur sont des petites fenêtres surélevées. C’est aussi de là que peut venir le danger.
Les citoyens sont pris au piège, on entend le son des tambours s’amplifier à l’extérieur, on aperçoit des lueurs rouges par les fenêtres signalant que les indiens dehors mettent le feu à la ville, et on entend des cris surréalistes. L’obscurité à l’intérieur est de plus en plus prononcée et on ne s’éclaire bientôt plus qu’à lueur de bougies.
Il y a, durant toute cette séquence, un superbe travail sur le montage, sur la couleur, sur la lumière et sur le son. La menace est permanente, et l’attente angoissante est entrecoupée de surgissements d’indiens qui sautent dans l’église depuis les petites fenêtres. Des indiens qui ne sont plus des hommes mais des créatures, sautillantes, maquillées de jaune, de rouge ou de vert.
Enfin, le film possède une autre particularité, c’est sa façon de traiter le groupe vis-à-vis de l’individu.
Contrairement à pas mal de westerns de l’époque, qui oppose l’individu au groupe en cherchant à faire un héros celui qui s’en détache. Ici c’est le contraire. L’individu seul est perdu. Il a besoin du groupe pour survivre. Pas de vision héroïque dans ce film, mais une progression dans les échanges au sein d’une communauté qui va se souder et s’entraider face au danger.
Très beau western.