On pourrait croire que Alexandre Astier n'aime pas la facilité. Oser incarner un mythe de la musique comme Herr Bach le temps d'un spectacle, c'est couillu, il faut bien le dire. Ne pas se contenter d’enchaîner les vannes à la sauce Kaamelott (1ère & 2ème saison) pour verser dans les monologues introspectifs, c'est également à mettre à son crédit. S'appuyer sur ses compétences d'ancien féru de solfège, donc de musique en général et parvenir à transmettre à un public de gueux (l'imaginaire comme celui assis) des connaissances de base en l'amusant (prouesse ! N'oubliez pas qu'on parle de solfège...), c'est original, efficace, divertissant, réussi.
Que ma joie demeure ! est tellement marqué au fer rouge par le personnage (plus que la personne) qu'est Alexandre Astier qu'on a du mal quand on est fan du bonhomme à séparer dans notre appréciation ce qui relève de la qualité pure et notre part de mauvaise foi qui se refuse à trouver des défauts à son travail.
Côté humour pur, c'est du grand Astier. Les répliques et tournures de phrases typiques fusent, font systématiquement mouche, font rire le corps autant que sourire l'esprit. Niché dans cette partie humoristique, la part dédiée au solfège, à la musique, est brillante. Sans crier gare en cours de spectacle, Astier illustre l'évidente disparité rythmique entre les musiques des continents, ça passe comme une lettre à la poste et ça vous restera toujours en tête par exemple.
Reste la partie plus sombre, où Alexandre Astier dépeint sa vision toute personnelle de l'homme Johan Sebastian Bach. Cantor de génie, mais dépressif selon lui, notamment du fait de ses nombreux enfants morts en bas âge. Si à mon sens Astier force exagérément le trait dans cette partie (coucou, les sensation de lourdeur de la saison V de Kaamelott sont de retour !), il n'interroge pas moins légitimement le spectateur sur l'énigme Bach. Après tout, comment un homme a-t-il pu composer inlassablement chaque semaine durant autant de musique sacrée à la gloire de Dieu, quand celui-ci l'accablait de drames personnels et de déceptions professionnelles ?
C'est quelque chose qui m'a personnellement toujours fasciné, la profusion créative de Bach, toujours de haute volée, souvent de pur génie, alors que la vie l'a finalement cantonné au rôle d'un simple cantor immuable de gros village, au final ringardisé, n'accédant à la popularité qu'il méritait trois siècles plus tard. Rien que pour ça, je ne peux que remercier Astier d'avoir souligné ce point. Avec sa sensibilité qui pour le coup ne m'atteint guère, mais qui à le mérite d'être là, de servir de fil rouge à son spectacle qui aurait tout à fait pu se réduire à une série de sketchs.
Un spectacle à découvrir si ce n'est déjà fait.