Que ma joie demeure (qui n'a rien à voir avec le roman de Giono) est une pièce de théâtre atypique. Atypique parce qu'elle ne met en scène qu'une seule personne et un seul personnage, que ce personnage est Jean-Sébastien Bach, que ce Jean-Sébastien Bach est incarné par Alexandre Astier (le roi Arthur de Kaamelott) et parce que cet Alexandre Astier possède, en plus d'un talent sûr, une capacité désormais certaine à rameuter les foules.
Que ma joie demeure propose un spectacle en trois parties. La première, c'est l'humour d'Alexandre Astier, grinçant, caustique, drôle — surtout drôle. La deuxième, c'est l'histoire, notre patrimoine, qu'Alexandre Asiter met en scène dans une session accessible et intrigante (parce que drôle et présentée par Astier). La troisième partie, c'est le volet dramatique de la vie du compositeur, sa famille, sa solitude, son impuissance face aux maladies, la fatalité, le roi, les gens, leur bêtise, son arrogance, son génie...
De là à penser qu'Alexandre Astier se voit bien dans la peau de Bach, il y a un pas qu'il faudrait peut-être ne pas franchir trop vite. Toutefois, à bien y regarder, l'acteur auteur réalisateur interprête colle plutôt bien aux traits de cette esquisse rapide.
En effet Alexandre Astier n'aime pas les cons, il l'a dit quand il en a eu l'occasion. Il a du talent à revendre : il crée, il écrit, il réalise, il joue, il fait de la musique — et bien —, il sait un tas de choses sur un tas de sujets. Et pourtant il ne contrôle pas tout, et sans faire de psychanalyse de comptoir, il en a surement gros pour un paquet de choses. C'est à partir de là que certains vont y voir sa prétention, sa mise en scène permanente pour de gros rôles. En même temps, que ce soit pour incarner Arthur, qui aurait été meilleur ? Et là, pour jouer cette pièce avec ce personnage unique, qui sache à la fois la mécanique de la musique, la jouer sans peine, faire rire et faire pleurer en même temps, qui d'autre aurait rempli ce rôle, rempli les salles, vendu un tel DVD, véhiculé avec sobriété et facilité une culture d'un niveau supérieur à ce qu'on nous sert d'ordinaire ?
Ce n'est pas la critique d'Alexandre Astier mais de l'une de ses oeuvres. Et cette oeuvre réussit le pari de faire mieux que bien. Ça vaut le coup d'y jeter un oeil.