Quoi de mieux pour fêter la fin d'année 2023 que de se caler devant sa télé au chaud devant un tout nouveau space-opera ? Des simili-fascistes, de gentils agriculteurs, le destin d'une poignée de rebelles, une bataille aux confins de l'espace etc etc...Bon sang mais c'est bien sûr, le Star Wars de Netflix (avec des bouts d'Akira Kurosawa dedans) ! Deux films au programme mais l'ambition du réalisateur Zack Snyder est bel et bien d'en faire une méga-franchise streaming. Ce qui est plutôt mal barré si on en juge d'après cette calamiteuse introduction.
Pas étonnant qu'on dresse un parallèle avec la création de George Lucas, Rebel Moon avait au départ été développé pour devenir un spin-off de la saga stellaire milieu des années 2000. Sauf que le projet a été sommairement rejeté. Vingt ans plus tard, on sait pourquoi. Si Lucasfilm intente un procès pour plagiat, Netflix est assuré de payer l'addition. C'est bien simple, toute la première heure rejoue les péripéties d'Un Nouvel Espoir. Encore plus fort, le faussaire Zack Snyder réussit l'exploit de réciter la fable de Lucas - souvent qualifié de scénario parfait tant il restitue à merveille le concept du Voyage du Héros établi par Joseph Campbell - pour aboutir au résultat inverse. Sur le plan narratif, ça se traduit par l'ajout de flashbacks grossiers, la répétition de séquences de recrutements oubliant de poser des personnages et non des coquilles vides (la palme revenant au général Titus, dans une scène désolante de stupidité). Ajoutons les tropes inhérents au format épisodique, comme le fait d'évacuer certains protagonistes à mi-récit ou ce final en forme d'appel du pied horripilant. Pour comble de tout, il faut également se coltiner l'absence d'inspiration du formaliste Zack Snyder.
Quoiqu'on pense de ses films, le réalisateur de L'armée des Morts ou Watchmen a un style, et un certain talent pour créer l'image iconique. Au point de limiter son langage cinématographique à ça et ainsi se tirer une balle dans le pied (voire les deux) pour livrer de longs clips poseurs sans âme tels Sucker Punch et l'interminable Justice League. On pourra au moins reconnaître à Rebel Moon d'y aller plus mollo sur les ralentis, mais ce sera tout. En dépit d'un budget confortable, Snyder livre son film le plus laid et impersonnel à ce jour. En termes de créativité, c'est un zéro pointé. Les planètes se ressemblent toutes, toute concentrées sur une parcelle de décors sans relief et aucune profondeur de champ. Le fond est souvent flou, les incrustations ignobles, rien n'existe. Le design des personnages reflète la subtilité coutumière du réalisateur avec des antagonistes sapés avec des uniformes nazis, quant les fermiers/contrebandiers ont tous l'air de sortir d'un Basic Fit (la fixette du cinéaste pour la testostérone). Terminons par l'action, que Snyder traite comme un automate c'est-à-dire avec moults ralentis et images glacées ringardes (où il s'auto-cite). Je ne m'étendrai pas sur le "climax" pitoyable et ce combat final dont l'extrême mocheté peut concurrencer les pires morceaux de 2023. Sur le casting, sauvons Charlie Hunnam et Michiel Huisman et oublions tous les autres. Pour le bien de tous.
Dire qu'il reste une partie à regarder. Le masochisme de l'espèce humaine, à fortiori du spectateur, est extensible mais faut-il pousser le vice jusque-là ?Rebel Moon donne même envie de réhabiliter Moonfall, dernière tentative (avortée) de Roland Emmerich pour faire son épopée spatiale. Un nanar autrement plus prometteur et rigolo que le désastre généreusement offert par Netflix et Snyder. On aurait voulu pourrir notre Noël qu'on ne s'y serait pas mieux pris. À tous ceux qui se seront laissés tenter par le film avant les fêtes, un conseil : pochtronnez-vous comme des sagouins. Avec un peu de chance, vous arriverez à esquinter suffisamment votre mémoire pour effacer ce mauvais souvenir.