Rébellion
8.2
Rébellion

Film de Masaki Kobayashi (1967)

C'était pas gagné ! Imaginez un peu : commencer un film avec Toshiro Mifune par des plans de toits et de tuiles, à peine deux ans après Barberousse ! Y'a de quoi se faire taper sur les doigts pour outrecuidance, non ? Parce que bon si Kobayashi pouvait tenir la comparaison avec Kurosawa ça se saurait...

D'ailleurs, ces cadrages ne sont-ils pas un peu trop parfaits ? Etouffants de symétrie et de beauté plastique ? Oui, ce plan d'épée qui se transforme par changement de focale en visage, d'accord c'est pas mal... Mais la salope est très revêche, le couard très moche, le fils un peu grimaçant, le Seigneur très vieux, et Mifune... maintenant qu'il s'est faché avec Kurosawa Sama, il tend un peu à s'alaindeloniser, non ?
Bon, bon, mais comme le film est long, il vaut mieux essayer de suivre... Cette histoire qui n'a l'air de rien, et racontée avec tant de détour par Dame Ichi, qui s'est vu mettre de force à 19 ans dans le lit du vieux Seigneur, histoire de lui donner un fils, et qui vient de se faire virer au profit d'une plus jeune maintenant que son devoir est accompli. Hop la voilà mariée au fils de Mifune. On baille. Quelle idée, mon petit Masaki d'aller faire un film pareil un an avant mai 68 ?

Et puis... et puis... petit à petit, la machine si parfaite se grippe étrangement. Tout devrait suivre le chemin droit de l'honneur nippon, mais soudain un homme dit NON. Pas de raisonnements, de discours interminables, juste : NON. Et soudain, on comprend qu'on s'est bien fait avoir : si Kobayashi a fait raconter de façon si compliquée à Ichi son histoire, c'est que c'était un poison lent qui devait s'immiscer dans les veines de son mari. Si elle n'est pas particulièrement belle, et que le spectateur ne voit pas ce que cet amour a de si sublime, c'est justement pour que le NON qui du père va contaminer le fils et la belle-fille soit plus fort que la réalité même. Le clan essaye de les convaincre, le film cherche à continuer comme il devrait, mais le trio s'obstine, et Kobayashi avec lui : NON ! Tout ça est absurde ? Peut-être mais.... NON !

Et à l'instar de ses trois héros qui iront jusqu'au bout de leur décision, Kobayashi creuse son sillon, et il en sort un film hallucinant, de plus en plus serein, de plus en plus puissant et silencieux. Jusqu'à une scène finale à couper le souffle, que n'aurait sûrement pas reniée l'empereur Akira !
Chaiev
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes la TOHO fait son cinéma (en février et mars à la MCJ de Paris) et 映画

Créée

le 22 févr. 2011

Critique lue 2.4K fois

58 j'aime

8 commentaires

Chaiev

Écrit par

Critique lue 2.4K fois

58
8

D'autres avis sur Rébellion

Rébellion
drélium
9

Seul contre tous

Japon, 1725, sous l'Ere Edo. Fatigué par les intrigues de clan, le sabreur Isaburo Sasahara décide de prendre sa retraite. Peu de temps après, le seigneur répudie son épouse Dame Ichi et demande que...

le 16 janv. 2011

42 j'aime

3

Rébellion
Sergent_Pepper
9

Réfutation sentimentale

Après la parenthèse colorée et baroque de Kwaidan, Kobayashi retourne en terrain connu par les détours qui ont fait la réussite de son chef-d’œuvre Harakiri : le noir et blanc et le récit...

le 22 juin 2018

35 j'aime

2

Rébellion
Torpenn
7

Il peine à prendre le déçu

D’après le peu que je connais du bonhomme, Kobayashi a une fâcheuse tendance à m’intéresser infiniment moins qu'aux hordes de fans qui pullulent un peu partout sur ce site et jusqu’à mes éclaireurs...

le 29 mars 2013

31 j'aime

14

Du même critique

Rashōmon
Chaiev
8

Mensonges d'une nuit d'été

Curieusement, ça n'a jamais été la coexistence de toutes ces versions différentes d'un même crime qui m'a toujours frappé dans Rashomon (finalement beaucoup moins troublante que les ambiguïtés des...

le 24 janv. 2011

287 j'aime

24

The Grand Budapest Hotel
Chaiev
10

Le coup de grâce

Si la vie était bien faite, Wes Anderson se ferait écraser demain par un bus. Ou bien recevrait sur le crâne une bûche tombée d’on ne sait où qui lui ferait perdre à la fois la mémoire et l’envie de...

le 27 févr. 2014

270 j'aime

36

Spring Breakers
Chaiev
5

Une saison en enfer

Est-ce par goût de la contradiction, Harmony, que tes films sont si discordants ? Ton dernier opus, comme d'habitude, grince de toute part. L'accord parfait ne t'intéresse pas, on dirait que tu...

le 9 mars 2013

244 j'aime

74