C'était pas gagné ! Imaginez un peu : commencer un film avec Toshiro Mifune par des plans de toits et de tuiles, à peine deux ans après Barberousse ! Y'a de quoi se faire taper sur les doigts pour outrecuidance, non ? Parce que bon si Kobayashi pouvait tenir la comparaison avec Kurosawa ça se saurait...
D'ailleurs, ces cadrages ne sont-ils pas un peu trop parfaits ? Etouffants de symétrie et de beauté plastique ? Oui, ce plan d'épée qui se transforme par changement de focale en visage, d'accord c'est pas mal... Mais la salope est très revêche, le couard très moche, le fils un peu grimaçant, le Seigneur très vieux, et Mifune... maintenant qu'il s'est faché avec Kurosawa Sama, il tend un peu à s'alaindeloniser, non ?
Bon, bon, mais comme le film est long, il vaut mieux essayer de suivre... Cette histoire qui n'a l'air de rien, et racontée avec tant de détour par Dame Ichi, qui s'est vu mettre de force à 19 ans dans le lit du vieux Seigneur, histoire de lui donner un fils, et qui vient de se faire virer au profit d'une plus jeune maintenant que son devoir est accompli. Hop la voilà mariée au fils de Mifune. On baille. Quelle idée, mon petit Masaki d'aller faire un film pareil un an avant mai 68 ?
Et puis... et puis... petit à petit, la machine si parfaite se grippe étrangement. Tout devrait suivre le chemin droit de l'honneur nippon, mais soudain un homme dit NON. Pas de raisonnements, de discours interminables, juste : NON. Et soudain, on comprend qu'on s'est bien fait avoir : si Kobayashi a fait raconter de façon si compliquée à Ichi son histoire, c'est que c'était un poison lent qui devait s'immiscer dans les veines de son mari. Si elle n'est pas particulièrement belle, et que le spectateur ne voit pas ce que cet amour a de si sublime, c'est justement pour que le NON qui du père va contaminer le fils et la belle-fille soit plus fort que la réalité même. Le clan essaye de les convaincre, le film cherche à continuer comme il devrait, mais le trio s'obstine, et Kobayashi avec lui : NON ! Tout ça est absurde ? Peut-être mais.... NON !
Et à l'instar de ses trois héros qui iront jusqu'au bout de leur décision, Kobayashi creuse son sillon, et il en sort un film hallucinant, de plus en plus serein, de plus en plus puissant et silencieux. Jusqu'à une scène finale à couper le souffle, que n'aurait sûrement pas reniée l'empereur Akira !