J'ai beau savoir que les films de Gilles Grangier sont parfois médiocres, j'étais intrigué par ce "Reproduction interdite", sans doute en raison de son titre alternatif "Meurtre à Montmartre" (c'est ce dernier qui apparaît au générique dans la version que j'ai vue) : or le quartier de la butte n'est pas spécialement mis en valeur, et de meurtre, il n'en sera question en réalité que dans la dernière ligne droite du film...
Auparavant, on aura assisté à une histoire d'escrocs et de faussaire, pas foncièrement désagréable mais dénuée de la tension et de la densité suffisantes pour captiver réellement.
Adapté d'un roman policier de Michel Lenoir, le scénario se révèle trop approximatif, trop laborieux. Ainsi, les questions d'argent (pourtant centrales) sont traitées avec une désinvolture décourageante : le marchand de tableaux fait monter les enchères précipitamment alors qu'il est censé acheter des peintures sans valeur, tandis que le boucher s'engage sur une affaire sans la moindre information (tout en refusant la reconnaissance de dette), tout comme l'acheteur d'un Gauguin refusera plus tard le certificat d'expertise...
De même, les scènes familiales apparaissent très répétitives, et sans véritable nuance en fonction de la situation financière fluctuante du héros - pourtant censée justifier ses actes.
Heureusement, quelques audaces viennent relever la sauce fadasse de ce film noir des années 50, à commencer par un dénouement très sombre et pessimiste.
Autre parti-pris inhabituel, le choix d'un héros éloigné des conventions, puisqu'il s'agit d'un homme d'âge mûr, pas très malin ni très courageux, qui voit sa situation financière se dégrader, et va s'encanailler au contact de la nouvelle génération. On pourra d'ailleurs souligner la relation ambiguë qui semble unir les deux complices.
C'est l'habituel second rôle Paul Frankeur qui incarne cet anti-héros vieillissant et bedonnant, avec le talent qu'on lui connaît. La distribution comprend également Michel Auclair en petit escroc, Giani Esposito en faussaire alcoolique (assez pénible), et Annie Girardot dans l'un de ses premiers rôles consistants au cinéma.