Grangier c’est un peu comme chez Ford, s’il a bien souvent son acteur fétiche inébranlable, ça ne l’empêche pas de temps à autres de privilégier pour un film un de ses fidèles abonnés aux seconds rôles poussé pour l’occasion sur le devant de la scène avant de retrouver sagement et sans amertume sa vraie place dans les films suivants.
Ici, c’est Paul Frankeur qui gagne son heure et demie de célébrité dans le rôle forcément un peu ingrat du marchand d’art pris dans l’engrenage d’un vrai-faux Gauguin reproductible et le bon bougre profite au mieux de sa chance pour une performance des plus honnêtes.
Il est accompagné ici du fourbe Michel Auclair et du très gluant Giani Esposito à qui on souhaite à chaque apparition une mort aussi rapide que douloureuse.
C’est mignon comme tout le milieu des rapins des années cinquante, il y a la brave Annie Girardot pour consoler la caricature de marcassin, le bohême imbibé jusqu’à l’os qui nous casse les oreilles à geindre sur son petit sort minable dans une indifférence que je suis à deux doigts de qualifier de prodigieuse. Heureusement qu’il y a le reste, la petite intrigue policière, les combines minutieuses, la justesse du faussaire…
Heureusement aussi que Gilles Grangier raconte toujours très bien ses histoires, j’ai la cruauté de préférer toujours ses films avec une vraie présence à l’écran, un Gabin, un Lino ou un Bourvil, parfois par paire, mais il n’empêche que le travail est ici très joliment honnête.