On aurait eu tort d'oublier la nature terrienne du cinéma de Guiraudie. C'est la terre qui l'inspire et lui permet de mettre en image des contes à la densité unique. C'est elle qui rend ses paraboles d'une désarmante évidence, nourrit ses contes cinématographiques et ceux qui les habitent.
L'histoire de Léo est moins un récit d'errance qu'un mouvement de ballottement. Venu dans les Causses à la recherche du loup, le jeune homme va se laisser porter par les rencontres, concevant un enfant dont la mère partira, donnant et recevant moins, se cachant, allant et venant au gré d'un raccord le propulsant ailleurs puis le faisant revenir.
Guiraudie construit une géographie de fable qui marie les Causses à Brest en passant par le Poitou, alternant soleil et brûme, alpages jaunis, bocage et port bercé par les mouettes. C'est alors comme un rêve et c'est aussi la manière qu'il choisit pour que ses personnages se rencontrent. Intuitifs et sans malice, ils se parlent, se rapprochent ou se heurtent mais ne ferment jamais la porte.
L'amour et l'amitié sont affaire de temps ou seulement d'un instant, la vie elle-même venant puis disparaissant naturellement. Léo donnera la vie puis accompagnera la mort avec le même don de soi, la même douceur, la même générosité. Cinéaste des gens de rien, Guiraudie leur offre son regard et leur invente des récits d'évasion et de liberté dont les échos vibrent en nous.
C'est une poésie de chair, de terre et de vent, une prose qui jamais ne pose et sait regarder un sexe, un corps, un paysage, un loup. Si Guiraudie provoque c'est une provocation de sens, s'il choque c'est qu'on ne veut pas voir, encore moins ressentir. C'est un cinéma qui embrasse et crépite.
Avec Rester Vertical, le cinéaste s'impose en artiste libre dans un film radical aux profondes résonnances.