J'ai toujours aimé le cinéma d'Henri Decoin, même si j'en venais presque à regretter parfois qu'il soit si humble, presque modeste. Ici, le réalisateur a su porter haut son ambition tout en s'offrant une histoire et des personnages à la hauteur de celle-ci. Il n'y a presque qu'un seul mot qui me vient à l'esprit pour décrire ce film : beau. Séparé en deux parties bien distinctes, Decoin sait nous émouvoir d'emblée à travers cette héroïne, ses rêves, ses espoirs, ses désillusions, à qui Danielle Darrieux donne une douceur, une émotion comme peu d'actrices en auraient été capables. Au-delà du cadre assez original qu'est la Hongrie, c'est sur la durée qu'on se rend compte à quel point l'auteur de « Premier rendez-vous » sait exactement où il veut emmener le spectateur, le troubler, le déconcerter, mais surtout lui offrir une expérience inoubliable, où l'on se perd à la fois avec délice et tristesse dans les mésaventures qui vont accompagner la jeune femme.
La réussite est d'autant plus forte que totalement inattendue : faisant preuve jusque-là d'un beau classicisme, le cinéaste se lance presque d'un coup dans une course à l'onirisme assez subjuguante, enveloppant son film d'une lumière envoûtante, le contraste entre la douceur infinie du rêve et la douloureuse réalité ne faisant que renforcer le statut à part de « Retour à l'aube » à sa sortie comme pour ceux le découvrant aujourd'hui. Je n'ai pas souvenir d'avoir vu une œuvre française aussi audacieuse pour l'époque, au moins dans ce registre. Tout fonctionne, limpide, touchant, saisissant
(à l'exception du « craquage » de DD à la fin, franchement « too much ») :
ce qui aurait probablement pu être un mélodrame bancal et ringard chez d'autres devient ici un titre magnifique, empreint d'une poésie et d'une élégance rares... Un autre mot : merci.