Il y a dans « Wake In Fright » des vents sauvages, épais et cuisants, de ceux qui soufflent à la lisière d'une hypothétique civilisation.
Chargés d'un musc bizarre, ils charment, saoulent, hypnotisent, te ballottent en tous sens, comme si tu n'étais plus que cette boule sèche, ce buisson aux racines oubliées qui traverse la rue principale, ce voyageur amnésique. Comme dans un western.
Il y a l'homme dans « Wake In Fright ». Le misérable. Ce pantin décharné que des dieux indolents feraient danser au bout de ficelles de larmes. Pour s'occuper.
Meubler cette éternité malsaine, l'ennui, cette morsure du temps qui passe, s’enivrer dans un carnaval d'indécence.
Ce fleuve de médiocrité, poisseux, barbare, gonflé de crasse et de peine, aux relents de bières éventées, où tu danses sur une musique macabre après avoir étanché ta soif, doucement, et tandis que sombre le monde, l'orchestre continue à jouer.
Danser, enlacer la naïveté, cette pute, avec délicatesse. Coller ta peau contre sa peau, laisser vos odeurs se mélanger et la mélodie faire son office. S'abandonner.
Danser, endormir sa méfiance, l'étourdir avant de la retourner sans ménagement, à la hussarde, et de la prendre en levrette.
Il y a des larmes dans « Wake In Fright », de celles qui mouillent les joues, brûlantes, les imbibent et sèchent sur ta peau en dessinant de bien méchantes crevasses. Indélébiles. Aussi profondes et sombres que peuvent parfois l'être les regrets. Pour pas que t'oublies, si tu penses pas à fermer les yeux en croisant ton reflet dans le miroir.
Te marquer au fer rouge sang, laisser une trace mortifère.