Le film est d'une telle puissance plastique que j'en oublie les quelques défauts : son début, empreint de maniérisme godardien ; ses longueurs, son inintelligibilité parfois, sa complaisance aussi dans le montage... Peu importe. Téguia fait un cinéma qui n'appartient qu'à lui, on s'en rend compte assez vite - peu atteignent cette expressivité à chaque plan. Expressivité très pensée, qui fait que le film est traversé de fulgurances, mais parfois empêtré dans des moments plus banals, où quelque chose se dit, certes, où le discours est absolument maîtrisé, mais où le plaisir se perd un peu.
Quant à l'inintelligibilité, c'est aussi, d'une certaine manière, le film qui veut ça. On peut voir Révolution Zendj comme une relecture de Moby Dick (cité dans le film), où la baleine blanche serait la révolution. A la fin du parcours, le héros s'aperçoit que l'origine de toutes les luttes actuelles a disparu. Il n'en reste plus trace. Il dit : "il n'y a plus rien", et l'homme qui l'a accompagné lui répond : "mais moi, je suis là". Le film fait le constat du fait qu'il n'y a pas une révolution mais des combats partout, des soulèvements, etc... Qu'il n'y a peut-être plus de source mais que les prolongements sont bien vivants. Aussi Tariq Teguia nous promène-t-il (et nous perd un peu) entre Algérie, Grèce, Liban, Irak et USA. Le propos est un peu trop vaste pour qu'on puisse s'y retrouver. Mais c'est cette vastitude qu'il essaie de saisir. Et au milieu de ça, quelques visages, quelques moments sidérants.