Je n'aime pas les films bobos ascendant pompeux. Je n'aime pas non plus l'utilisation de ces mots. Mais ce cinéma autocentré existe bel et bien. A ce titre I love America de Lisa Azuelo fut une expérience douloureuse malgré toute la sincérité du projet. Et si Rien à foutre était l'antithèse d'un genre rarement légitime ?
Oui, parlons plutôt de Rien à foutre un film écrit et réalisé par Julie Lecoustre et Emmanuel Marre et co-écrit par Mariette Désert. Un film un peu pompeux, un film un peu autocentré et pourtant un film jamais douloureux et totalement légitimité. Tiens donc. C'est l'errance du personnage de Cassandre, 26 ans et hôtesse de l’air dans une compagnie low-cost qui doit beaucoup à la réussite de son récit. Sa solitude est un gouffre mélancolique mettant en relief la simplicité et l'humanité de Cassandre. La subtilité des émotions d'Adèle Exarchopoulos et son apparente lente gestuelle font corps avec un personnage à l'avenir incertain. Son errance est véritablement tangible et renforce une sensation rare au cinéma.
L'identification caractérielle au personnage de Cassandre n'est pas aisée, mais la réalisation nous transporte dans l'apesanteur de son esprit vagabond. Les plans et les mouvements de caméra de Julie Lecoustre et Emmanuel Marre sont souvent inventifs et réfléchis pour épouser ses émotions et le spectateur s'immerge dans une rêverie paradoxalement contemplative. Dans des plans minimalistes, la clarté lumineuse de photographie D'Oliver Boonjing et les notes aériennes de Vangelis éblouissent avec un doux lyrisme les interrogations existentielles de l'actrice et du personnage qu'elle incarne.
Julie Lecoustre et Emmanuel Marre évitent tous les écueils du genre et proposent au contraire une véritable expérience de cinéma aussi sensorielle que profonde. Adèle Exarchopoulos est l'incarnation parfaite du rien à foutre dans Rien à foutre. Un coup de coeur inévitable.