En dépit d’une fin à la fois improbable et facile, le film de Delphine Deloget émeut par son histoire par son histoire et la qualité de ses interprétations. Le film a les forces et les limites des drames sociaux réalistes. On pourra cependant regretter l’absence de cinéma.
Mère célibataire, Sylvie vit à Brest avec ses deux enfants Jean-Jacques et Sofiane. Alors que sa mère est à son travail, Sofiane se blesse dans l'appartement. Cet accident fait l'objet d'un signalement et Sofiane est placé en foyer. Dès lors, Sylvie va devoir se battre contre l'administration judiciaire.
‘Rien à perdre’ relève cinématographiquement de l’Efira-movie, un genre qu’il conviendrait de créer à en juger l’omniprésence de l’excellente actrice belge sur les écrans. Mais comment le définir ? Il s’agirait de tous ces drames sociaux dont le personnage principal incarné par la comédienne doit se battre contre plus fort qu’elle. Il y aurait dans cette catégorie le récent ‘Revoir Paris’ dans laquelle l’actrice incarne une survivante des attentats. Ou également le très bon mais injustement oublié ‘Pris de court’ d’Emmanuelle Cuau dans lequel son personnage se battait contre un mafieux. Ces trois films ont en communs ce personnage de femme battante, luttant contre l’adversité.
Il n’y a aucun sarcasme, ni moquerie dans ce que je dis. Car Efira est comme toujours bluffante. Elle a ça de spéciale qu’elle semble toujours au bord du précipice, sur le point d’exploser. Chez elle, le rire n’est jamais loin des larmes. Dans le rôle de son fils, Félix Lefèbvre est très bon. Bien qu’il soit un peu âgé pour le rôle, il est vraiment bluffant dans le rôle de ce fils aîné déboussolé et qui croûle un peu sous les responsabilités.
Ce qui est bien rendu c’est le cauchemar administratif, le cercle vicieux dans lequel l’institution judiciaire vous enferme. On vous prend votre enfant car on vous soupçonne de ne pas bien le traiter. La justice vous demande d’abord d’aller mieux pour retrouver votre enfant. Mais comme vous ne le voyez plus et que la procédure judiciaire vous épuise, vous n’allez pas bien. Du coup, la justice ne rend pas votre enfant, etc. Une fois que vous (vous) êtes engouffrés dans cette mécanique, il est difficile d’en sortir.
Il y a quelque chose de Kafkaïen dans l’aspect indéfiniment cyclique de cette situation où on vous demande d’aller mieux, alors que la procédure semble vous enfoncer. On vous demande d’avancer et pourtant, la situation semble inamovible. De ces paradoxes, Delphine Deloget ne fait pas grand-chose d’un point de vue cinématographique. Certes, tout le monde n’est pas Orson Welles mais il est dommage que la réalisatrice cantonne sa mise en scène à l’illustratif. On raconte l’histoire pour émouvoir. Emu, on l’est mais on n’est jamais vraiment ébloui.
Evidemment, l’histoire est poignante car elle en appelle à la famille, au faite d’être mère, à la difficulté d’éduquer ces enfants. Il y a aussi les deux frères de la mère, qui font unité face à l’adversité et soutiennent leur sœur. Tout ça est très touchant, mais relève de l’histoire elle-même. La démarche de la cinéaste est purement narrative, jamais artistique. Dommage.