Des remakes à vite mettre à la poubelle on en connaît tous suffisamment pour saturer les serveurs de Google et avec ce remake de Robocop je m'attendais véritablement à devoir allonger encore un peu plus cette interminable liste. Réalisé par José Padilha, réalisateur des bien burnés « Troupes d'élites 1 et 2 », le portage version années 2010 de l’œuvre incontournable de Paul Verhoeven possédait à sa tête l'homme qu'il fallait pour que ce soit une réussite. Un premier signe encourageant vite écarté par le réalisateur lui même qui n'utilise pas la langue de bois pour signifier dès qu'il le peut que les producteurs l'ont emmerdé – il n'y a pas d'autres mots – à chaque minute pour chacune de ses idées, qu'ils lui ont tout refusé et qu'il ne remettrait plus jamais les pieds à Hollywood, rien que ça. Partant la tête basse visionner ce ratage certain, c'est avec surprise que je découvre au fur et à mesure un film pas si mauvais.
Ce qui va faire mal à ce remake c'est la comparaison avec son aîné car on évolue a des années lumières de l'acidité du propos de Verhoeven, de sa dénonciation de l'agrandissement du pouvoir de certaines grandes sociétés au point de posséder des villes entières ainsi que leurs habitants. Et bien sur sa mise en avant du crime sans limites qui ne fait que croître au sein d'une ville qui ne sait plus quoi faire pour l'arrêter, déjà miner par la corruption dans les plus hautes sphères. Ici Padilha va garder les thèmes de la corruption et d'une société au pouvoir grandissant mais en les survolant.
Là ou Padilha s'offre un véritable virage à 180° c'est dans son traitement de ce qu'est Robocop. Alors que dans l'univers de Verhoeven, Detroit et l'OCP ont besoin d'un robot qui ne verse pas dans l'émotion et la demi mesure pour ramener le calme dans une ville contaminée par la criminalité qui nuit tant aux affaires, ici la société productrice de Robocop a besoin que ce soit l'homme que les gens voient. Le congrès ne souhaitant pas autoriser l'OCP a installer ses robots dans les rues des États-Unis, l'idée est alors de contourner la loi en mettant un homme dans la machine, quitte à tricher par la suite en lui enlevant toute émotion et faisant de lui une véritable machine, le privant de son humanité. Ici, Robocop sait dès le départ qui il est, où qui il fut, se souvient de sa vie, de sa famille et de ce que signifie être humain.
À partir de là le propos du film peu prendre son envol et va s'en suivre un combat de l'homme contre la machine, Alex Murphy devant lutter pour redevenir lui même suite aux ordres qui furent donner à son créateur pour le priver de tout sentiments quel qu'ils soient. Retrouver sa personnalité, ses émotions et ce qui comptait pour lui, à commencer par sa femme et son fils et affronter son programme qui lui interdit certaines actions bien précises, notamment de mener son combat contre ceux qui l'ont fabriqué. Un Robocop décidément plus humain que l'original qui lui ne pouvait en aucun cas réaliser une action contraire à ses directives prioritaires même une fois sa mémoire retrouvée, soulignant le fait qu'il est avant tout une machine.
D'ailleurs à propos de machine, il est fort regrettable que le costume ne ressemble pas plus à l'original, ratage complet de ce côté là avec ce qui ressemble plus à une combinaison à enfiler façon Tony Stark qu'à un véritable corps de fer et d'acier. Acier qui ne donne pas l'impression d'en être au passage, s'en dégage alors une impression de plastique plus ou moins cheap et pas résistant pour deux sous. La fusion homme-machine perdue, ne reste plus qu'un simulacre de corps robotique aux capacités extraordinaires trop loin de la lourdeur et la puissance dégagée par celle de 1987
Bien évidemment, et c'était obligatoire, les médias sont omniprésents, aujourd'hui par l'intermédiaire d'un Samuel L. Jackson qui cabotine un peu trop à mon goût et manque cruellement de subtilité lorsqu'il invective le peuple via son émission qui ne partage par son point de vue. À travers une émission de propagande à échelle nationale, il vante les mérites de l'OCP et de son créateur, sans jamais hésiter à insulter ses détracteurs et les piéger à l'aide d'interviews tronqués et de diverses manipulations au montage. Et si effectivement on peut regretter la lourdeur de ses passages, il faut bien admettre qu'ils font froid dans le dos tant ils sont d'actualités. Un traitement froid, partial et unilatéral de l'info qui n'est pas sans rappeler les dernières actions lamentables de BFM TV lors de l'affaire Dieidonné qui nous a offert pendant plusieurs jours des pseudos débats desquels furent d'office exclus les partisans de l’humoriste au profit de ses détracteurs. Comment alors considérer ça comme un débat et non de la manipulation de l'info ? Ainsi dont, alors que c'est actuellement le cas chez nous, les lourdeurs de ce pamphlet pro-militariste et pro-américain n'en deviennent que plus crédibles.
Point noir du rendu final, l'absence de véritable violence de part la volonté des producteurs de faire du film un spectacle grand public. Difficile alors de rendre crédible la puissance de Robocop mais aussi de souligner la violence dont font preuve les criminels. D'ailleurs, contrairement au film des années 80 qui présentait un gang de fous furieux mené d'une main de fer par un sociopathe sanguinaire à qui rien ne faisait peur, notre robot est désormais confronté à une criminalité déjà plus en adéquation avec ce que l'on peut observer dans le monde réel, à commencer par tout un tas de petites frappes pas bien dangereuse pour peu qu'on possède un plus gros flingue qu'elle, impliquant alors la disparition des types badass à souhait de l'opus original au profit de délinquants qui ont tôt fait de s'écraser une fois face à la machine, préférant la capture à la mort.
Loin du ratage que l'on pouvait craindre, ce remake pas trop mal fichu se démarque par ses idées nouvelles de ce qui pourrait inspirer une compagnie désirant s'offrir une campagne publicitaire fantastique à l'aide d'un super-flic mais échoue à creuser ses idées. Faisant évoluer Robocop dans un monde ressemblant au nôtre plutôt que dans un univers punk futuriste , Alex Murphy peine à trouver des adversaires à sa mesure et doit faire avec une volonté aberrante d'être destiné à tout les âges. On regrettera qu'il n'y ait pas eu une véritable volonté de laisser Padilha bosser tranquillement tant il semblait être l'homme de la situation pour enfin nous offrir un vrai bon remake de Verhoeven.