Après Total Recall et avant Starship Troopers, voici un nouveau film de Paul Verhoeven qui passe à la moulinette remake/reboot/resucée (on ne sait plus trop). Quoi qu’il en soit, indirectement, Paulo a le vent en poupe.
Mais systématiquement, ses films se retrouvent diablement aseptisés. Pour le meilleur ou pour le pire ?
Bonne nouvelle pour commencer: la dimension politique qui était présente dans le film original reste de la partie. Ici, sont critiqués les medias (« The Novak Element » est à la botte de la multinationale OmniCorp, pratique la désinformation et coupe-court à tout débat avec ses opposants), les limites de la morale dans la lutte contre la criminalité (la scène d’ouverture en Iran où la bavure finale du ED-209 n’est même pas relevée par Novak ou encore le fait de garder cliniquement un homme en vie alors qu’il ne reste plus rien de lui), ainsi que la manipulation de masse (comment les 72% de l’opinion public seront amenés à changer d’avis sur la question de la sécurité intérieure du pays en quelques mois grâce à la mise en lumière par les médias de quelques événements sensibles).
Contrairement au premier film, la question de ce qui reste d’humanité derrière l’armure de RoboCop est ici plus travaillée. Le premier choc, très brutal, et qui est pour moi LA scène du film, est le moment où Alex Murphy découvre quels (rares) organes se cachent derrière l’armure. Je comprends mieux pourquoi la tagline « 50% homme, 50% machine » n’est plus à l’ordre du jour. Parce que là, y’a pas le compte. On n’est plutôt dans de l’ordre du 10-90. Par la suite, RoboCop étant en partie humain, il se révèlera évidemment moins performant qu’une machine. Lui est alors administrée une drogue qui le met dans un état végétatif afin que la machine prenne le dessus et le rende plus efficace. Alex Murphy : 10% homme – 50% machine – 40% légume. Murphy morfle et devient amorphe. Il est lobotomisé ou plutôt, robotomisé. De là à voir la mise en lumière d’un film qui privilégie l’action à la réflexion, il n’y a qu’un pas… Bref, l’homme s’efface alors derrière la machine et ne devient qu’une étape pour influencer le peuple et que les États-Unis acceptent de voir les machines se charger de faire respecter la loi à la place des Hommes.
Mais la part humaine finira par ressurgir... L’accent est également mis sur sa relation familiale, bien que j’aurais aimé voir cette partie encore plus approfondie.
La problématique de l’ultra-violence de la société n’est donc plus au cœur du film. En plus de cela, il est tout public. Un très fort contraste avec le traitement de Paul Verhoeven. J’avais des craintes quant à ce qu’il soit totalement aseptisé mais ce n’est pas le cas. Dans la scène d’ouverture, plusieurs kamikazes se font sauter à l’écran. Puis un enfant se fait froidement et gratuitement mitrailler. De plus, ce qui reste d’Alex Murphy suite à son attaque rappelle le morceau de chair calcinée qu’était Anakin Skylwaker avant de devenir Dark Vador. Enfin, il reste le plan choc précédemment évoqué ainsi qu'un cerveau trituré en gros plan. C’est encore à des lieux des scènes gores de RoboCop (qui m’avaient d’ailleurs bien traumatisé du haut de mes 8 ans) mais c’est toujours mieux que rien.
La bande-originale vient chatouiller le fan en lui offrant quelques secondes du thème original composé par ce (feu) génie de Basil Poledouris au moment où le nom « RoboCop » apparaît à l’écran et est prononcé dans le film. Un peu comme dans un James Bond. Pour le reste, ça reste du bruit de fond tout juste bon à accompagner l’action.
L’action parlons-en tiens ! J’allais voir ce film pensant avoir de quoi me repaître niveau fusillades et combats qui dépotent mais j’ai été déçu… Les scènes ne sont qu'au nombre de quatre et sont peu impressionnantes. La première est une fusillade entre Alex Murphy et son coéquipier opposés au gang d'Antoine Vallon est vraiment mal filmée : caméra à l’épaule qui bouge dans tous les sens et plans vraiment mal fichus (trop serrés et ne cadrant pas forcément ce que l’on veut voir, changements très fréquents) rendent le gunfight assez indigeste. Pour achever le tout, la scène se termine par le très cliché plan aérien nocturne et sous la pluie de Murphy penché au-dessus du corps inerte de son coéquipier. On a même droit au « Jaaaaaaaaaaaaaack, ne meurt pas !!! ».
La deuxième est un affrontement entre Maddox (un mélange d’escroquerie financière et de solution pour les maux d’estomac) + ses robots et Robocop, le tout dans un hangar abandonné dont la configuration laissait augurer d’une scène facile à suivre. Mais que nenni. Reviennent ces soucis de cadrages avec en plus, des robots n’offrant aucun affrontements mais étant de la simple « chair » à canon.
Pour la troisième, le super flic avance dans un couloir de 30 mètres en dégommant une dizaine de gars. Mais histoire de rajouter à l’illisibilité des scènes précédentes, le réalisateur a choisi de jongler très rapidement et très souvent entre le noir total, une vision infrarouge et une vision thermique histoire de s’assurer d’un résultat bien pourri. Mission accomplie buddy.
Reste la dernière qui est la moins pire : l’affrontement entre RoboCop et les emblématiques ED-209. Les défauts de cadrages, les changements trop fréquents de plans sont toujours au rendez-vous mais ça reste assez sympa et un poil plus impressionnant que ce qui a été vu précédemment. En dépit du fait que les ED-209 soient des machines ultra efficaces, ils ne manqueront pas de louper très fréquemment la cible. Et quand bien même ils vident leur chargeur dans le dos de notre cher Alex Murphy, ça ne l’empêchera pas de continuer son petit bonhomme de chemin.
Bref, vous l’aurez compris, j’ai trouvé la partie action décevante car surtout gâché par de gros défauts de mise en scène.
Un mot sur le design de l’armure. Je trouve que l’idée de la « Dark Knightiser » la modernise mais surtout la dénature. Le fait qu’il se déplace en moto rappelle d’autant plus Batman. On ne reconnait plus notre cher superflic et c’est avec un certain plaisir qu'on le voit retrouver son attirail d’origine dans les dernières minutes. Une autre erreur à propos de cette nouvelle armure est le fait de la voir faire des bonds de félin alors que sa lourdeur pachydermique est rabâchée à chaque pas. Toutefois, il reste une petite réussite à propos de ce nouveau look : jouer avec l’image de RoboCop au milieu du film en évoquant la ridicule idée de lui mettre des gyrophares en guise d’épaulettes. Ça m’a rappelé le traitement de mascotte symbolique de Captain America.
Alex Murphy est campé par Joel Kinnaman (non, pas "kouign aman", on se calme les bretons) mais n'apporte rien de spécial au rôle. En même temps, le rôle de RoboCop n’appelle pas une grande performance (heureusement au vu du charisme de l’acteur) du fait que le personnage se retrouve très vite coincé dans une machine. Physiquement, ce petit nouveau m’a fait penser à un mix improbable de Paul Walker et de Kevin Bacon.
Michael Keaton, plus Julien Lepers que jamais, campe Raymond Sellars, le vil capitaliste plus intéressé par le profit (Sellars = Seller = Vendeur. Puissant ce script.) que par les questions de moral. Gary Oldman fait le boulot mais on l’a connu plus en forme. Le méchant, Antoine Vallon, est une espèce de Niels Arestrup avec 20 ans de moins. Samuel L. Jackson remet une moumoute pour la seconde fois dans un film dont le héros est (presque) Incassable. Pour le reste du casting, rien de bien mémorable.
Cette nouvelle mouture de Robocop se démarque de l’original de par son contenu et son traitement. Il reste un film plaisant à suivre malgré des scènes d’action peu marquantes, une bande-son insipide, une violence édulcorée ainsi qu’une armure au nouveau look raté.