"I'd burn that for a dollar"
"Une séance cinématographique au multiplex U.G.C. La Défense / 4 Temps implique logiquement le versement d'une somme de €10,95 pour un être humain adulte de corpulence standard, indépendamment de son sexe ou de sa taille (si l'on excepte peut-être pour les femelles de cette engeance la taille du bonnet, et encore). Le tarif habituel d'un carton de pop-corn caramélisé (volume déterminé arbitrairement à environ 350cl) est de €5,80, quand un soda de marque Coca-cola est évalué en termes de coût à €4,10 dans sa version 80cl. Soit pour le trentenaire masculin de nationalité française accompagné de sa girlfriend un débours estimé à €35,90.
Après ce préambule fastidieux, que je remettrai plus tard en perspective, oyez la critique du remake plutôt minable du RoboCop de Paul Verhoeven [1987]. Non que ce dernier ait été un chef-d'œuvre, loin de là. La satire, quoiqu'on en dise, était plutôt grotesque et typiquement américaine, jouant sur des paradoxes assez stupides et un comique de situation plutôt grand-guignolesque qu'autre chose - cf. notamment la parodie de jeu de plateau "Nuk'em", le cœur artificiel Jarvik, le Sunblock 5000 cancérigène (2ème opus)... - et à peine drôle à la première diffusion. L'histoire, assez originale, n'était au demeurant qu'une adaptation simili-contemporaine de nouvelles d'Isaac Asimov ou Philip K. Dick. Toutefois, il restait une certaine cohérence dans l'œuvre de Verhoeven, son RoboCop respectant un minimum les codes du film policier d'investigation, dans un univers certes scienti-fictionesque, mais arborant un minimum de rebondissements et de péripéties. De même, quoiqu'irréaliste (je doute qu'un chercheur en robotique et/ou en intelligence artificielle affirme le contraire), le RoboCop de Verhoeven conservait un minimum de prise à la réalité...
Le remake de RoboCop est pour sa part une bouse innommable, dont les rebondissements s'enchaînent de façon grotesque à un train d'enfer, sans le moindre fil conducteur, à tel point que l'on se surprend à souhaiter la fin de la boucherie - malheureusement dès les premières 30 minutes... Les interprétations sont pathétiques, la pseudo-critique des médias omnipotents est véritablement chiasseuse (Samuel L. Jackson sous les traits du présentateur Pat Novak de The Novak Element est particulièrement peu convaincant, il faut dire que son personnage est un hybride caricatural de Larry King et de Rush Limbaugh qui n'apporte pas grand chose au jus de navet qu'est l'histoire...). Les ressorts politico-financiers sont véritablement grossiers, d'autant que l'objectif du 'plot' est assez tordu: Raymond Sellars souhaite convaincre la population américaine que la meilleure alternative aux forces de police corrompues est le recours à des robots, or le Sénat U.S. est opposé par clientélisme politique à cette dévolution sécuritaire (depuis quand demande-t-on son avis au peuple américain?) et s'appuie sur l'hostilité des braves obèses aux machines. RoboCop est un hybride dont les coûts de production sont estimés à $2,6 milliards - dixit Liz Kline d'Omnicorp. Sans compter la difficulté de débusquer des candidats au grand saut cybernétique. De fait, les profits estimés par le directeur marketing de la firme - soit $600 milliards par an - sont totalement irréalistes, tout autant que les probabilités d'abrogation de la Loi Dreyfus du nom du sénateur fermement opposé à la robotisation sécuritaire (au passage, quand on connaît l'aisance avec laquelle le complexe militaro-industriel dispose des attributions budgétaires pour des drones ou des ballons-sondes, on ne peut que franchement rigoler face à ce gentillet couplet sur la moralité et la probité des politiciens de Washington).
Voilà donc les ressorts politico-financiers de RoboCop [2014] sérieusement écornés; que reste-t-il (de nos amours)? En fait, clairement, rien. Les ressorts policiers de cette farce cinématographique sont pitoyables; il suffit à un Alex Murphy cybernétique de se plonger dans les archives des enregistrements de caméras de télésurveillance pour choper les gangsters plutôt à chier qui parsèment cette daube filmique. Sans même évoquer le caractère particulièrement navrant de cette méthode (qui facilite grandement la tâche au scénariste 2.0 qui n'a même plus à faire appel au deus ex machina), j'en savoure le côté purement opportuniste et décorrélé des plus élémentaires réflexions en matière de débit de données et de traitement de l'information. Aussi stupide à mon sens que les scènes en famille de RoboCop avec femme et enfant (étonnement de ma part quand le fiston ne se carapate pas en gueulant face au tactical cyborg). Pourquoi conserver les poumons de Murphy sous verre, sinon pour donner envie de gerber au spectateur en pleine digestion de maïs éclaté? L'affrontement thermo-optique, par contre, est ringard et mal filmé, RoboCop se prend du .50 en pleine gueule mais s'en sort avec quelques impacts. Il semblerait également qu'ED-209 chie dans son froc face au robot flic et n'ose le canarder que dans le dos, à bonne distance... La confrontation originelle avec l'Enforcement Droid, series 209, était plus palpitante, et surtout son atmosphère s'inscrivait dans le schéma dramatique typique d'un polar ou d'un roman d'investigation. Nul besoin d'une telle progression de l'action ou de scènes d'introspection dans l'avatar navrant de 2014: régulation de la dopamine - à noter qu'à certain moment, Murphy crée de la dopamine ex nihilo, ce qui ne manque pas de surprendre (à juste titre) le concepteur Dennett Norton, sans qu'à quelqu'autre moment que ce soit ce prodige ne soit expliqué, de même que l'on ne comprend pas comment l'humain chez Murphy fait pour braver l'interdit du Red Asset pourtant programmé (et qui fait écho au verrou de sécurité du RoboCop originel confronté à ses maîtres de l'O.C.P.) - et intervention neuro-chirurgicale suffise à tout expliquer (à noter qu'en plus d'être roboticien, ingénieur chimiste et spécialiste en intelligence artificielle, ainsi qu'en psychologie du comportement dite également behaviorale, le docteur Norton est chirurgien du cerveau - sacré niveau d'études, là où plus modestement les concepteurs des premiers RoboCops sont des équipes de chercheurs, merci pour eux - enfin, la rationalisation financière est la philosophie du moment).
Je pourrais me perdre dans les détails pitoyables, les "easter eggs" franchement merdiques - cf. le sondage sur le meilleur aspect de l'armure de RoboCop parmi un panel d'enfants qui juge que l'ancienne armure est la plus cool, l'interprétation pathos de Michael Keaton, l'interprétation proprement pourrie de Kinnaman, mais je vais vous la faire courte et boucler définitivement la boucle: le rapport qualité/prix du spectacle est gravement médiocre, aussi évitez d'y aller..."