T’as pas mal, Rocky, t’as pas mal.
Maintenant que je suis là, je ne vais pas te mentir, j’ai envie de changer d’adresse.
Partir, voguer sur mer, border les voiles de Wellington au Cap Horn, manger des mandarines dans une plaine sans route ou, si j’étais un peu magicien, dans un claquement de doigts, m’envoler, devenir un cerf-volant.
Je sais déjà plus comme j’m’appelle. J’entends plus rien, j’y vois que dalle, je crois que cette fois, c’est bon, j’suis mort.
Putain, y’a des coups qui lézardent ou c’est la vie qui récidive ?
T’as pas mal, frérot, t’as pas mal.
Si, j’ai mal.
Maman, t’es où quand on a besoin de toi?
Maman ! C’est un traquenard, j’suis en enfer, y’a un démon qui m’endommage.
Ce black, droit devant, me matraque sans fioritures. À force, je crois bien qu’il va m’abîmer.
T’as pas mal, t’as pas mal...
J’ai du chien mais faudrait dire la vérité, un instant, oublier les fausses promesses : j’ai ma dose, cette danse durement assénée me fait chanter misère.
J’ai l’arcade, la joue et le coeur qui saignent, la tête toute pleine d’étoiles.
S’il vous plaît, mademoiselle, j’veux sortir.
T’as pas mal, petit, t’as pas mal.
J’ai envie de dire pouce et de me recroqueviller pour pleurer.
Je voulais juste dépasser un peu, histoire de faire mon trou à la surface, braver cette vie qui tabasse.
Juré, craché, on ne m’y reprendra plus.
J’ai dans la tête une petite voix qui prend soin de moi. Elle me dit : « Va-t-en, cours au loin, reste pas planté là, à encaisser ».
Je divague, disloqué, amoché mais je suis déjà trop loin pour faire demi-tour.
Et puis, tel un demi-dieu, fier et droit, s’allonger devant personne, oublier les lueurs qui sont des leurres. J’ai retrouvé le sens de l’amour.
T’as plus mal, Rocky, t’as plus mal.