Il est difficile de ne pas reconnaître que Rocky fait partie de l'imaginaire collectif de nos jours. Référencé dans de nombreuses œuvres, son thème principal est sorti de son contexte à tout va. Quand je l'ai vu, de fait, j'étais certain de savoir à quoi m'attendre : un film sur la boxe avec un héros culte et une scène d'entraînement assez kitsch. Voilà l'image que je me faisais. Résultat ? Je ne pensais pas trouver en Rocky des sensations plus fortes que dans les nekketsu les plus enflammés.
Le squelette du film est un crescendo sans répit. Il démarre lentement, pose un contexte inintéressant et des personnages un peu lourds dans leur écriture, et ne retient pas tant l'attention que ça. On a du mal à s'attacher à Rocky au début et à ses vaines tentatives de drague envers Adrian ; on n'arrive pas à comprendre ce qu'il lui trouve, et on voit juste en lui la caricature d'un loser. Qu'est-ce qui saurait expliquer qu'on se retrouve devant les crédits de fin avec du feu dans les yeux, contents des exploits qu'il a accompli au cours du film, attachés à ce personnage si peu subtil dans son exposition ? C'est quelque chose qu'il m'est encore difficile à expliquer, et c'est pour ça que j'ai autant aimé le film contre toute attente. Il n'y a pas un petit moment qu'on pourrait noter comme déterminant pour le personnage afin de l'édifier ; c'est une continuité, un tout. Le fait de suivre une évolution qui part de si bas pour arriver à un climax si haut, c'est ça la force de Rocky sur sa forme.
Dès qu'on voit Apollo Creed annoncer son désir de défier un illustre inconnu du monde de la boxe, on sait parfaitement qu'il s'agira de Rocky. Le combat final est attendu depuis le (presque) début du film, et le problème avec ce genre d'événements chauffés avec autant d'avance, c'est qu'ils risquent de perdre leur impact. À trop hausser les attentes de quelqu'un, il est plus facile de le décevoir, et c'est pour ça que les plot twists les moins télégraphiés sont souvent les plus efficaces. Mais Rocky prend ce pari risqué et fonce dans le tas. Et nous faire suivre l'entraînement de Rocky avec le sourire aux lèvres et le soutenir de tout cœur pendant qu'il fait face à Apollo, il y arrive ! D'un ridicule lourdaud qu'on regardait de haut, Rocky est devenu un personnage bien plus humble, admirable, et attachant ; et la façon dont le déroulement du film réussit à l'anoblir est tout simplement incroyable.
Évidemment qu'on peut prendre le film et se contenter de dire qu'il illustre le Rêve Américain et qu'il ne fait rien de plus. « Tout le monde peut accomplir ses rêves », serait-ce vraiment le fond de Rocky ? Je ne l'ai, personnellement, pas entendu de cette oreille. Rocky perd à la fin et ne s'en soucie même pas. Le succès ne résidait pas tant dans l'issue du combat que de se surpasser et de tenir tête à Apollo. Rocky n'a pas de désir particulier tout le long du film, si ce n'est de devenir un homme meilleur et d'être avec Adrian, quelque chose de démesurément modeste à côté de la chance qu'on lui offre d'affronter Apollo. C'est ce qui joue en faveur de ce côté touchant et sincère qu'a le film, et qui lui donne cette aura bienveillante envers tous les losers qui ont envie de se prendre en main. Et ça, je ne vois pas comment ne pas le respecter.