Si au départ les spin-off de Star Wars pouvaient facilement être envisagés comme des films mineurs, destinés à faire patienter les fans entre deux épisodes canoniques, Rogue One met plutôt en exergue une toute autre vérité.
Libéré de l’obligatoire cahier des charges propre à chaque épisode, ce spin-off permet en réalité à son réalisateur de jouir d’une relative liberté créative et d’offrir une vision plus personnelle de l’univers de Star Wars.
Car malgré les nombreux reshoots qui ont émaillé son tournage, Rogue One perd le caractère « impersonnel » des épisodes de la saga et se voit avant tout comme un film de Gareth Edwards. Sorti un an plus tôt, Le Réveil de la Force était un pur divertissement, un pop-corn movie dans lequel fusaient les vannes mais aussi avant tout un produit de consommation destiné à booster le merchandising de Lucasfilm.
De son côté, plutôt avare en touches humoristiques, Rogue One se distingue des films précédents par une mise en scène moins académique, plus percutante (notamment grâce à l’utilisation de la caméra à l’épaule) et par un souci d’authenticité qui rend les environnements de certaines séquences presque palpables.
Après une séquence d’ouverture assez bouleversante et impressionnante de maîtrise, Rogue One dévoile tout de même ses premières failles liées à la production houleuse dont il a fait l’objet. Plusieurs séquences, lieux et personnages sont exposés de manière successive, sans lien réellement cohérent, manquant presque de faire perdre le fil au spectateur à peine le film démarré.
Mais, rapidement, l’intrigue se met en place pour de bon et embarque le spectateur pour ne jamais le lâcher, dans une action au rythme grimpant crescendo, jusqu’à un final absolument éblouissant.
Malgré quelques carences d’écriture flagrantes dans son premier acte (le traitement d’un personnage en particulier laisse songeur), certainement liées au remontage et aux modifications du scénario en cours de production, l’histoire de ce premier spin-off s’avère captivante. Soutenu par un casting solide, il propose également une galerie de personnages secondaires vraiment classes et, pour certains, carrément inoubliables.
Tout en enrichissant le contenu de la trilogie originale (Edwards réussit même l’exploit de rendre l’épisode IV encore meilleur qu’il n’est en lui ajoutant un niveau de lecture inédit), et même si de nombreux clins d’œil un peu faciles y sont régulièrement disséminés, Rogue One propose une histoire et des enjeux qui lui sont propres. La réutilisation de certains éléments clés de la saga ne tombe jamais dans la facilité et se fait toujours au service de l’action qui est montrée.
Mieux encore, il parvient à se les réapproprier et à les redynamiser. On pense en particulier aux incroyables dogfights (nous n’en avions pas revus d’aussi époustouflants depuis le Retour du Jedi), aux ravages provoqués par l’Etoile de la Mort (enfin filmés frontalement et sans concession), ou à l’oppression sans pitié exercée par l’Empire.
Emporté dans une folle course contre la montre, le dernier acte s’impose comme l’un des moments les plus forts de la saga, autant en termes de spectacle que d’intensité dramatique. Les cinq dernières minutes du film feront littéralement fondre de bonheur les fans de la première heure et envoient définitivement aux oubliettes les tentatives maladroites de George Lucas de rattacher sa prélogie à l’épisode IV. Une fois le générique de fin surgi à l’écran, on reste pantois, comme lessivé par un tel déferlement d’action et d’émotions.
Malgré de rares faiblesses liées à un développement compliqué, Rogue One parvient donc à s’émanciper habilement de son statut initial et nous offre tout simplement l’un des plus beaux moments de l’histoire de la saga.