Après les déboires de la production, au début de l'été, où la Walt Disney Company annonçait sa volonté de modifier le premier montage de Gareth Edwards (réalisateur qui a pourtant déjà fait ses preuves), et même d'y ajouter des reshoots confiés cette fois à Tony Gilroy, on ne pouvait qu'être inquiet de la forme que pourrait prendre le résultat de ce revirement, d'autant plus que l'intention avouée de Disney était de rendre le film « moins sombre » et donc plus «tout public». 
Autre mauvaise nouvelle : à la musique, l'excellent Alexandre Desplat laisse finalement sa place au bien plus banal Michael Giacchino (choix qui restera frustrant puisque les thèmes sont basiques, fades et rien ne résonne dans l'oreille).
Mais malgré ces handicapantes modifications de dernière minute, force est de constater que le final cut évite finalement assez bien de commettre les nombreux faux-pas potentiels que l'on attendait un peu au tournant.


Toute la première partie est un chouïa chaotique, le film se prend un peu les pieds dans un rythme trop soutenu et expédie rapidement la présentation des personnages, on veut passer le plus vite possible aux scènes d'action et aux références tant attendues. Et puis, au fur et à mesure, le film se stabilise, il gagne une confiance en lui-même et trouve son rythme. Le montage est toujours très vif mais très juste.


Le formalisme de Gareth Edwards (si efficace dans Godzilla, ou Monsters) se met immédiatement au service d'une image impressionnante et très habilement maîtrisée qui nous en met plein les yeux (les images étaient déjà le point fort du Réveil de la Force de JJ Abrams en 2015) et, nous donne un regard inédit, où la modernité s'inscrit à merveille dans un univers plus que culte et parfaitement respecté.


Mais la grande surprise de Rogue One, c'est surtout une écriture scénaristique équilibrée qui ne se contente plus de réchauffer de vieilles formules ayant fait leurs preuves, mais qui fait évoluer, grandir, mûrir l'univers filmique de Star Wars, l'ouvrant aux influences de genres variés, le confrontant à l'Histoire réelle (parallèle de la guerre du Pacifique, de la bombe atomique, de Jérusalem, du rôle des cultes dans la guerre,…), le noircissant aussi, estompant son manichéisme : la rébellion apparaît comme violente et divisée, l'humour est beaucoup moins burlesque et beaucoup plus sombre (il suffit de comparer K-2SO à C3PO),..
Les thématiques sont dépoussiérées et on trouve un réel questionnement sur une lutte qui semble perdue d'avance, sur la notion de conviction et d'espoir. Les codes Disney sont joyeusement évités : on ne s'encombre ni de romances parasites ni de happy-end, ni de sensibleries abusives (ma plus grande crainte).
Les personnages, bien qu'on regrette de ne pas avoir eu plus de temps pour mieux les connaître, sont très bien portés par un casting quasiment irréprochable.
Et les trois derniers quarts d'heures nous offre un spectacle à couper le souffle, alternant batailles spatiales, combats au sol, stratégies du dernier espoir, tout s'enchaîne dans une mise en scène très rapide mais parfaitement bien maîtrisée qui fait venir l'émotion d'elle-même sans artifice, avec un climax qui ne retombe jamais.


Bref, là où Le Réveil de la Force  nous servait une fan-soupe pétrifiée par la peur du renouveau et complètement vide de la moindre originalité scénaristique, Rogue One, tout premier spin-off de la saga, parvient à faire souffler un air neuf dans un univers vicié par l'affrontement entre la fan-sphère puriste et un « esprit Disney » émiellé qui paralysait toute créativité depuis le rachat de LucasFilm en 2012.


Rogue One, véritable Star Wars Storie, est une suite logique aux événements de La Revanche des Siths et un préquel parfaitement réussi à Un Nouvel Espoir, liant les deux trilogies, et prouvant (comme l'a également fait cette année Les Animaux fantastiques), qu'il est possible de continuer à faire vivre une licence, un univers riche, sans tirer sur la corde, sans tomber dans le piège de la machine à fric bête et irréfléchie, sans épuiser le contenu en le vidant de son sens.


Star Wars n'est pas mort, et putain ça fait du bien !

PorcoRosso
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le 21 déc. 2016

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