S’il est aisé de saisir la composante « poule aux œufs d’or » de Rogue One, celui-ci se plaçant en première ligne d’une série de spin-offs que l’on imagine avoir été pensés sous l’angle du lucratif, réduire ces extensions cinématographiques de l’univers de Star Wars au seul rachat mirobolant par Disney serait un biais non souhaitable.
Mon pressentiment s’attachait de fait davantage au potentiel certain de cette mouture, notamment au regard de la présence de Gareth Edwards : certes, sa nomination n’était probablement pas étrangère à son statut de réal’ bankable, mais c’est fort justement son travail sur Godzilla qui autorisait l’espoir... un espoir d’assister à de nouvelles péripéties dans cette galaxie lointaine, très lointaine, sans que la machine à fric ne vienne contraindre l’identité du cinéaste britannique.
Ayant été séduit par sa signature visuellement dantesque, avec un sens de l’immersion proprement grisant, là était donc la promesse tacite d’un opus échappant ne serait-ce qu’un peu aux habituels codes régissant le célèbre space opera : car quand bien même celui-ci devrait en grande partie sa renommée à son ingéniosité technique (ayant finalement glissé vers un sens du gigantisme impressionnant, mais plutôt commun dans le moule bien connu des blockbusters), la perspective de voir Edwards apposer sa patte graphique et un certain sens de mise en scène était foutrement de bon augure.
Et, comme de juste, Rogue One s’avère hautement satisfaisant dans la forme : mieux encore, son fameux dernier tiers tient de l’exceptionnel, le théâtre paradisiaque de Scarif contrastant de mille feux au gré de son horizon azuré et des affrontements hargneux y siégeant. Un caresse rétinienne telle que l'on en oublierait presque les précédentes séquences, certes pas aussi classieuses dans l'absolu mais pour autant efficaces ; on retiendra en tout cas la "revisite" destructrice de l'Étoile de la mort, dont l'empreinte nucléaire patente détonne tant sur le plan graphique que référentiel (nos conflits contemporains y transpirent).
En somme, la dernière réalisation d'Edwards honore nos attentes sur la forme, celle-ci servant de base solide à l'établissement d'une atmosphère hybride, oscillant avec aisance entre second souffle indéniable et réminiscence de l'ambiance originelle… qui est toujours aussi délectable ; dans la même veine que SW7 donc, ce qui enjoint à aborder le fond, là où l'opus de J. J. Abrams pêchait quelque peu.
Il y a franchement de quoi se satisfaire en l'état, le dernier-né de la franchise se démarquant souvent d'une bien belle manière : cela découle en grande partie des personnalités ambivalentes qu'incarnent Jyn et Cassian, la première se posant comme une anti-héroïne de fil en aiguille attachante, tandis que le second fait preuve d'un versant meurtrier jurant avec l'image "chevaleresque" de l'Alliance Rebelle.
En bref, Rogue One fait mine de se démarquer des aspirations de la trilogie originale, ceci en empruntant un chemin moins manichéen (dans une certaine mesure, ce qui est déjà louable) ; et si la trame globale nous était déjà connue, force est de constater que le développement de ce pan d'univers (à partir d'une simple information auparavant énoncée) n'est ni plus ni moins réussi, car parvenant à jongler entre réalité moins reluisante qu'escomptée et un respect palpable de l'essence même qu'est Star Wars.
Bon, tout n'est pas non plus parfait, le contraire eut été étonnant : les habituelles ficelles sont de rigueur avec les revirements téléphonés des protagonistes (sans oublier le pilote de cargo, la redirection "aisée" de l'antenne etc.), de quoi entacher un peu les prétentions du film, pourtant lancé sur de bons rails. Les légèretés scénaristiques tiennent surtout des quelques figures secondaires, intervenant tels des cheveux sur la soupe et décrédibilisant de ce fait la formation de notre équipe hétéroclite ; leur devenir funeste finit ainsi par en pâtir, celui-ci fluctuant en termes d'intensité dramatique selon les cas.
In fine, seul le trio Jyn/Cassian/K-2SO (vecteur d'un humour savamment dosé) s'en sort sur la longueur, un état de fait que l'on lie sans hésitation à leur conclusion respective, toutes marquantes ; car si l'on retiendra assurément le pont (logique) final liant ce film à Un Nouvel Espoir, difficile de ne pas reconnaître la propension tragique finement distillée que recèle le dernières minutes de Rogue One.
Pour le reste, quoiqu'un peu longuet lors de son premier tiers, la mise en place des principaux ressorts à venir ne gâche aucunement l'efficacité du long-métrage : s'auréolant de surcroît des bonnes interprétations de ses interprètes, et plus généralement de son visuel on ne peut plus appréciable (si l'on excepte la rigidité d'un Tarkin ressuscité), Rogue One arbore suffisamment de solides arguments pour pallier ses quelques errements (de fond). S'il dépasse d'une courte tête en termes d'appréciation SW7, ce divertissement réussi aurait toutefois gagné à mieux traiter sa galerie secondaire, celle-ci tirant vers le bas son potentiel de spin-off remarquable.
Un 7/10 amplement mérité, et tirant même sur le 8...