Tant qu’on est dans la série « adaptations de Shakespeare » … (Partie 2)
Encore une fois, on ne peut pas vraiment louer l’effort d’originalité. C’est le paradoxe des grandes œuvres littéraires au cinéma, en fait : elles sont supposément intemporelles et universelles, mais les priver du temps, de l’époque dans lesquelles elles s’inscrivent demande un talent et une maestria incroyable pour ne pas virer à l’exercice de style au mieux creux, au pire racoleur (Baz Luhrmann, c’est à toi que je pense).
Il faudrait donc supposément s’éloigner de l’œuvre originelle, mais vouloir changer ce qui a été gravé dans le marbre, ou plutôt dans le papier, par des génies comme Shakespeare, est-ce que ce n’est pas faire preuve de prétention ? Et si l’on change bien des choses, où s’arrête l’adaptation et où commence la réécriture ?
En clair, en résumé et en définitive : adaptation = mindfuck philosophique. Donc, je suis pas sûr que l’on puisse blâmer Zeffirelli, ou qui que ce soit qui veuille adapter, pour rester sur un territoire sûr. Ça ne veut évidemment pas dire qu’il ne faut pas réfléchir à ce qu’on veut adapter, hein …
Sinon, on se retrouve avec des trucs indigestes comme l’Homme qui Rit d’Améris, qui ne cherche pas une minute à savoir si les codes de l’œuvre peuvent ou doivent être transposés sur un autre support.
Bon, et si on parlait du film, maintenant ?
Il se tient franchement bien malgré son âge ; les interprètes des deux rôles titres sont vraiment excellents, rendant à la fois la passion folle et le côté finalement assez enfantin, assez puéril de toute cette histoire, qui les conduira malgré tout à un funeste destin. La photographie et la réalisation, toutes académiques qu’elles sont, restent de bonne facture ; la reconstitution historique est sympathique (rime !). Enfin bref, tout va bien dans le meilleur des mondes.
Mais il y a deux choses qui font de ce Roméo et Juliette autre chose qu’une adaptation un peu timide et pantouflarde.
Déjà, la musique de Nino Rota. Sublime. Hallucinante. Qui reste dans la tête pendant des mois.
Et surtout, SURTOUT, la scène de la première rencontre :
(Pour ceux qui connaissent déjà, juste en dessous :
http://www.youtube.com/watch?v=0nYG_wQMheg )
Juste pour cette scène, le film vaut la peine d’être vu.
Toute l’essence de la pièce est résumée en cinq petites minutes parfaites de bout en bout, sur une musique belle à pleurer. L’amour brutal, inévitable de deux « star-crossed lovers » qui ne peuvent faire autrement que s’aimer et mourir (comme le dit la chanson en fond, toute rose, comme les amants, fleurit puis se fane). Et le thème de Rota intervenant au premier baiser, comme pour rappeler que le destin est au bout du chemin.
Alors oui, devant une scène pareille, on oublie le côté académique, peut-être même un peu plan-plan du film. On verse sa larme, et on met gentiment cette scène parmi les meilleures de tous les temps. Et je pèse mes mots.
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