On ne peut pas dire que la vie de Rosetta soit facile ; vivant dans une roulotte auprès de sa mère alcoolique, cette jeune femme vogue de petits boulots en petits boulots en espérant décrocher un emploi stable, car elle a un appétit féroce de survivre.
Ce qui était une Palme d'Or surprise à Cannes en 1999 se révèle être le portrait très poignant d'une jeune femme, remarquablement interprétée par Emilie Dequenne, qui veut à tout prix s'en sortir. D'ailleurs, la façon très naturaliste qu'on les Dardenne à la filmer constamment de dos suggère tout le temps une menace qui lui pèse dessus. Aussi bien dans la scène d'ouverture, foudroyante, que dans une poursuite où elle doit se cacher d'un homme qui la poursuit en mobylette.
C'est une manière de filmer très crue, sans musique, au plus près des personnages, mais qui montre aussi qu'ils sont dans un état d'isolement maximum, et que la mise en scène ne s'élargit que quand une main tendue arrive pour Rosetta. Une première fois, il s'agit d'Olivier Gourmet, qui joue un boulanger, et l'autre fois, dans la conclusion qui est magnifique. Pour vous donner une idée, ce dernier plan est aussi fort que celui de Un fils.
J'avoue avoir eu des réticences, notamment morales sur le comportement de Rosetta, qui est loin d'être pure, mais à la fin, les digues de l'émotion ont cédé ; il y a toujours cette idée du pardon dans la filmo des Dardenne qui me touche.
C'est vraiment un film formidable, très dur à la fois, et dont la (faible) lumière qu'il diffuse n'en est que plus forte.