Je me suis fait longuement chambrer par mes amis devant le DVD du film avec cette histoire de pneu tueur. Je n’avais pas grand-chose à leur rétorquer, n’ayant eu du film que quelques échos positifs mais lointains. Maintenant que j’ai vu ce film, je peux leur exhiber mon majeur devant la figure, les moucher et leur faire manger leur caca. Non, Rubber n’est pas qu’une histoire ridicule de pneu qui tue des gens.
Ou plutôt si, mais pas que. Dans le désert californien, un pneu s’éveille à la vie. Ses premiers tours de roue sont hésitants. Puis la première victime, un scorpion écrasé. Il y en aura d’autres. Le pneu se découvre des pouvoirs psychokinétiques, utiles pour faire exploser des têtes par exemple. Mais, dès le début, il est observé. Toute une équipée l’observe de loin avec des jumelles, pendant qu’un mystérieux individu leur apporte consignes et vivres.
L’important n’est pas tant ce que vivent le pneu ou cette histoire de spectateurs, bien qu’ils ne manquent pas de péripéties, et que les deux soient liés, à leur manière. Quentin Dupieux avait déjà expérimenté le rapport entre le cinéma qui se fait et celui qu’on voit. Cette fois ci, il interroge notre rapport en tant que spectateur.
Dès le début, le ton est donné, avec des exemples de films dont certains éléments ne trouvent pas de justification : « no reason ». Rien ne sera vraiment expliqué, tout restera flou, et en même temps pur. Que ce soit un pneu, un extra-terrestre ou votre voisin, peu importe, toutes les histoires sont possibles. Tout peut être raconté, tout peut être vu, à condition qu’il y ait un spectateur. Un film n’existe pas si personne ne le voit, ne le suit.
Mais Rubber n’est pas si dogmatique, ce n’est pas un manifeste. C’est une histoire décomplexée dont le sujet reste important, on aurait apprécié voir encore plus des méfaits de ce pneu, quitte à couper sur les personnages secondaires. Ce qu’on peut retenir du film, tout ce qu’on peut analyser, ne sont que des idées qui sont la conséquence de ce qui est vu. Mais le film se moque de tout, de lui-même, de ce qu’il a prétendu construire, et le tout, toujours avec le plus grand des sérieux.
Rubber est un film d’auteur, avec Quentin Dupieux au scénario, à la musique, à la réalisation et au montage. Le film semble taillé par la même personne, dans un seul bloc. Un bloc pur et grossier à la fois, qu’il faut adopter selon les angles choisis. Ce n’est pas seulement un film étrange, une curiosité un peu jazz, un peu punk, mais bien une leçon d’intelligence et en même temps une belle déclaration d’amour au cinéma. Tout est possible, alors faisons le.
Et si possible découvrons la filmographie d'un auteur fou fou fou.