C'est le temps des amours et de l'aventure
Rushmore, deuxième film de M. Wes Anderson voit son créateur progresser vers l'univers si particulier qu'il s'est efforcé de construire, brique après brique, au cours d'une carrière toujours plus intéressante. Rushmore, c'est un peu l'état d'adolescence d'une filmographie, après le Bottle Rocket qu'on aurait pu faire correspondre à l'enfance. Tout va plus vite, on découvre des choses, des changements s'opèrent, envers et contre tout, on subit et on jubile, on apprécie pas, on aime à la folie : l'exubérance est de mise. Rushmore, tout comme son personnage principal n'est qu'un état dans un ensemble plus vaste, plus complexe, à la fois magnifique et agaçant, tendre et dur, où les fautes sont excusables et imputables à une période de jeunesse qu'on a tous traversé.
En somme, Rushmore est un film indispensable. Contrairement à de (trop) nombreux réalisateurs dont l'ascension fulgurante ne fait qu'entrainer une chute brutale, Wes Anderson s'applique et se construit. Encore pubère d'un point de vue cinématographique, il se cherche et joue sur plusieurs tableaux. Néanmoins, l'objet caméra est plus maîtrisé, on commence à en comprendre certains aspects et on en adore d'autres. Là où Bottle Rocket fait figure d'essai, d'expérimentation, Rushmore est plus travaillé, mieux mis en scène. La caméra se pose, la géométrie si particulière de Wes Anderson pose ses premiers axiomes et tend à aspirer le spectateur béat d'admiration devant tant de poésie vers un univers à part, bien ancré dans notre réalité et pourtant si différent.
En témoignent ces personnages atypiques et notamment ce héros aux mille passions et à l'amour débordant pour une femme hors de portée. Rushmore est le lieu de l'apprentissage et de la mise en pratique, de la construction de soi, le lycée est un lieu de tournage sur lequel Wes Anderson découvre véritablement son amour pour le cinéma. Bottle Rocket était la période de toutes les découvertes et comme ses personnages, le réalisateur découvrait chaque jour de nouvelle chose, en perpétuel mouvement et les appréhendait parfois de manière maladroite (sans être pour autant dénué de charme). Avec le recul, on peut véritablement dire que Rushmore est un prolongement de Bottle Rocket. La comparaison parait obligatoire, on ne peut pas passer outre.
L'adolescence est d'ailleurs un sujet piège quand on y pense : au vu de toutes ces adaptations ratées, de cette jeunesse de toutes les époques caricaturée et de ces histoires fades, le film fait office de modèle du genre. On est ici dans ce qui peut paraître de plus juste concernant toutes les générations : peu importe l'époque, l'être découvre, s'adapte et doit prouver qu'il existe, qu'il est fort et déterminé. En cela, chaque personnage, à son rythme s'affirme et grandit, de Jason Schartzman à Bill Murray, ces enfants plus ou moins grands vont au travers d'expérimentations diverses et variées apprendre le monde. Et il en sera ainsi pour le reste de la carrière de Wes Anderson, jusqu'à aujourd'hui, où la maturité semble acquise et où l'univers sans trouver de limite a réussi à se définir à la perfection (preuve en est la qualité de son récent Moonrise Kingdom). On adore, on se délecte, on en redemande, bref, du très bon travail.