Titre, affiche, casting, bande-annonce... Il y avait tout pour me plaire dans ce « Sale temps à l'hôtel El Royale », que j'ai pourtant été à deux doigts de rater, faute de succès en salles. Et s'il ne réitère pas la claque qu'avait été pour moi « La Cabane dans les bois », film fantastique aussi délirant qu'imprévisible, Drew Goddard confirme qu'il est assurément l'un des réalisateurs les plus doués de sa génération. L'introduction donne le ton : de la maîtrise, du mystère, de la violence... On ne sait alors rien de ce qui va se dérouler mais les bases sont là.
C'est sans doute le principal reproche que je peux faire à l'œuvre : alors qu'elle laisse envisager un scénario particulièrement complexe, tortueux, celui-ci est finalement presque classique, pour ne pas dire simple. Ce qui fait toute la différence, c'est la forme. Composition des plans, décors, dialogues et surtout narration : tout est mis en place pour rendre le « jeu » des plus stimulants, notamment par ce découpage consacrant une partie à chaque personnage, éclairant au fur et à mesure le puzzle, quitte à présenter la même scène selon différents points de vue : toujours efficace, surtout avec Goddard comme chef d'orchestre.
Dommage, du coup, que l'on nous révèle presque tout d'un coup, alors que le mystère avait été savamment entretenu jusque-là, d'autant qu'il n'est pas donc pas vraiment à la hauteur des espérances. Légère frustration, donc, mais vraiment légère. Car ce film, c'est un vrai beau plaisir de cinéma. Pour le coup, l'important n'est pas la destination, mais le voyage. Que ce soit les personnages, le soin amené aux différentes scènes, l'alchimie se créant entre les différents comédiens : presque tout est source de ravissement, le détonnant mélange des genres amenant quelque chose d'un peu fou, parfois imprévisible, de nombreux moments, aussi bien dans le calme que la violence, s'avérant un régal
(la roulette et son dénouement : bonjour les sensations fortes).
J'ai été moins convaincu par la partie consacrée à Billy Lee, ce « bad guy » flamboyant mais manquant de chair ne collant qu'à moitié avec le tableau général. Reste que côté casting, c'est du tout bon : Chris Hemsworth, donc, prenant un goût manifeste à écorner son image, mais aussi Jeff Bridges, impérial, la révélation musicale et cinématographique Cynthia Erivo, le toujours excellent Jon Hamm
(dont je ne m'attendais pas du tout à la mort si prématurée!!)
et surtout Dakota Johnson, d'une sensualité, d'un charisme n'ayant rien à envier à sa comédienne de mère, Melanie Griffith... On pourrait presque tous les citer, dont un
Xavier Dolan
aussi impeccable qu'inattendu.
Je peux entendre que cette note puisse paraître un peu haute au vu des réserves émises. C'est simple : j'ai eu envie de célébrer le cinéma. « Sale temps à l'hôtel El Royale », c'est du vrai cinéma, celui que j'aime, beau à regarder, souvent captivant à suivre, se plaisant à nous perdre en cours de route pour mieux nous retrouver. Enfin, je serais le plus malhonnête des hommes si je n'écrivais pas un mot sur la bande-originale : une merveille (mon Dieu, qu'est-ce que c'était bon, la musique des 60's!!), élément à part entière d'un titre définitivement pas comme les autres, et assurément l'une de mes plus belles soirées sur grand écran en 2018. Merci, M. Goddard (Drew, pas Jean-Luc!!).