Herzog cacherait-il l’autoplagiat derrière des affiches de plus en plus en plus séduisantes ? On ne peut pas le taxer de mégalomanie, lui qui garde ses acteurs fétiches très longtemps et ses producteurs le temps d’un film, mais entre Michael Shannon et la musique, c’est un total remake de Dans l’œil d’un tueur (2009). Pour le minimalisme mystique et le déni du commercial, on retrouve The Wild Blue Yonder (2005) (qui devient The Wild White Yonder).
Nier le commercial, c’est bien : ça entretient le paradoxe de sa marginalité célèbre. Mais dans la culture de ce mépris, Herzog l’outsider pourrait être en train de devenir Herzog l’ignoré : j’ai parlé d’affiches, mais ce n’est pas qu’en post-prod qu’il exhibe ses promesses. Cherchant la facette ultra-réaliste de l’exceptionnel, il arrive effectivement à déconstruire le culte de l’inatteignable au cinéma, usant avec bon sens de la trame palpitante comme chemin livresque. Mais, diantre, où est le frisson ?
Il nous condamne dans sa contemplation, qui a heureusement conservé ses plans incroyablement poétiques et son côté globe-trotter capturant l’essence de paysages grandioses, mais ses lubies ont perdu jusqu’à leur utilité. Veut-il faire durer le suspense en s’attardant dans le kidnapping formant toute la première moitié du film ? Veut-il dénoncer quelqu’un, quelque chose, en nous faisant croire qu’un homme abandonne ses enfants dans le désert pendant une semaine par pur désintéressement écologique ?
La morale, dans tous les sens du terme, est aux abonnés absents. Salt and Fire n’est pas un choc des éléments spectaculaire. Il est poétique et ambiancé, pas de doute, mais le regard qu’il pose pouvait se passer d’acteurs et de scénario. C’est un documentaire de science-fiction qui s’ignore.
Quantième Art