Second visionnage pour ce premier film des frangins, adoré lors de sa découverte, (très) légèrement moins cette fois. Si l'introduction est magistrale, que ce soit par la voix-off puis l'ensorcelante musique de Carter Burwell (statut qu'elle assumera jusqu'au bout), j'avoue que la première partie ne m'a qu'à moitié convaincu. Pourtant le style est là : on sent que c'est pensé avec précision, intelligence, mais cette mécanique tourne un peu à vide, comme si les Coen n'avaient pas tant de choses à raconter, s'appuyant principalement sur leur talent et leur sens des situations, des dialogues pour que cela fonctionne.


Seulement, on comprend vite que ceci était une mise en place pour préparer la seconde partie, car à partir du


meurtre (pas forcément celui qu'on attend, d'ailleurs!),


c'est un régal. Devenant totalement imprévisible, fou, le scénario enchaîne les séquences hallucinantes avec un féroce humour noir, le brio impressionnant (surtout pour des débuts!!) de la réalisation étant désormais totalement au service d'un « thriller » poisseux où personne n'est épargné. Il y a quelque chose d'obsessionnel, d'étrange dans cette œuvre mettant joyeusement à mal les codes du genre, du moins en la racontant de telle manière que l'on perd presque tout repère, toute certitude : jubilatoire.


À ce titre, « l'affrontement final » est un modèle absolu, basculant presque dans l'horreur, le fantastique, pour se conclure dans une ironie teintée de cynisme du meilleur effet : s'il fallait noter l'œuvre sur ces 45 dernières minutes, je lui mettrais peut-être dix. Dommage qu'il en dure deux fois plus, même si cette première partie se regarde sous un angle différent une fois le générique apparu. L'un dans l'autre, ça se prend et pas qu'un peu. Quelle maîtrise, quelle claque pour un galop d'essai, auxquelles vient activement participer Emmet Walsh dans une composition qui ne manquera pas de marquer les esprits. Pas sûr qu'aujourd'hui le duo soit capable de réitérer une telle performance : qu'importe, « Blood Simple », lui, sera là pour toujours.

Caine78
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le 27 oct. 2017

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Caine78

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