Premier long-métrage des frères Coen, Blood Simple esquisse déjà les contours de leur univers si singulier, où l'humour noir côtoie la violence et où les personnages semblent constamment pris au piège de leurs propres maladresses. Tout est là : le tueur à gages implacable, les trahisons, les quiproquos tragiques. Une formule encore en rodage, mais déjà diablement efficace.
Le film opte pour un rythme lent, presque hypnotique, qui préfère l’angoisse sourde des silences aux dialogues foisonnants. Une lenteur qui met mal à l’aise, soulignant l’inexorabilité de la fatalité. Le scénario, d'apparence simple, s’inscrit dans une tradition classique du thriller : un propriétaire de bar engage un détective véreux pour éliminer sa femme infidèle et son amant, employé du bar. Mais chez les Coen, rien ne se déroule jamais comme prévu. Le héros, ou plutôt l’anti-héros, n’est jamais assez malin pour tirer son épingle du jeu. Pris dans un engrenage qu’il ne maîtrise pas, il devient la proie de sa propre bêtise — un motif récurrent chez Joel et Ethan.
La réalisation, pour un premier film, impressionne par sa maîtrise. Les frères jouent déjà avec les codes, empruntant autant au film noir qu’au cinéma d’horreur, multipliant les clins d’œil malicieux, notamment aux films de zombies. Certaines scènes, marquées par une tension insoutenable, flirtent avec l’angoisse pure, tandis que d'autres s’autorisent une légèreté macabre qui désamorce l’horreur par le rire. Ce mélange des genres, signature des Coen, trouve ici une expression brute, mais prometteuse.
La musique, quant à elle, joue un rôle crucial dans l’atmosphère du film. Quelques notes de piano suffisent à installer une ambiance lourde et inquiétante, où chaque son semble peser aussi lourd que les regards échangés.
Le climax, d’une intensité rare, cristallise tout ce qui fait la force du film : un suspense oppressant, une mise en scène précise, et cette touche d'humour noir qui vient ponctuer la violence d'un éclat de rire nerveux.
Blood Simple est un film noir, dans tous les sens du terme : sombre par son intrigue, malsain par son ambiance, mais profondément captivant. Une œuvre à part entière, capable de se suffire à elle-même tout en annonçant les chefs-d’œuvre à venir. Un premier coup de maître que je recommande sans hésiter.