Ce film est une merveille !
Toutefois je trouve que le résumé promotionnel en dit trop et je conseille à celles et ceux tentés par l'expérience d'y aller sans le lire et de se laisser porter par son récit. J'invite également ces mêmes personnes à revenir à ma critique une fois le film vu, puisque sans dévoiler davantage je vais quand même parler de cette révélation que fait déjà le synopsis.
Adam, scénariste solitaire et mélancolique, semble apprécier de vivre dans cet immeuble moderne de Londres où hors mis lui personne ne semble habiter. Un soir pourtant après être sorti sur le devant de son immeuble en raison d'une alarme s'étant déclenchée inopinément il remarque une fenêtre éclairée où se détache une silhouette, quelqu'un d'autre vit ici. Il en aura confirmation quelques jours plus tard quand Harry viendra sonner chez lui. Venu avec une bouteille, Harry essaie de se faire inviter chez Adam ce que ce dernier refuse, prétextant un alibi passe partout, or nous comprenons qu'Harry avait à ce moment besoin d'une oreille, d'un accompagnement, d'une preuve d'humanité.
Chacun va alors continuer son parcours de vie et c'est plus précisément celui d'Adam sur lequel se focalise le film, car ses écrits sont à effet thérapeutiques, il s'en sert pour régler des impensés et ce travail sur lui, le conduira à retourner dans la maison de son enfance. Maison où il retrouve ses parents, or cette rencontre familiale apparait comme étrange au spectateur, car les parents bien qu'évoluant dans un décor issu du passé sont bien trop jeunes par rapport à l'âge apparent d'Adam. Le film résout rapidement ce mystère et nous fait comprendre rapidement qu'ils sont morts depuis longtemps et qu'Adam rêve ou est victime d'hallucinations qui lui permettent de verbaliser et d'imaginer à partir de bribes de souvenirs quelles auraient été les réactions de son père et de sa mère à propos de son homosexualité.
Ce pan du récit développe donc la question, très intime et à laquelle chacun répondra selon ses critères et ses moyens contextuels, de ce qu'on appelle vulgairement la sortie du placard. Adam regrette manifestement de ne pas avoir eu le temps d'avouer à ses parents son orientation sexuelle, et de ses souvenirs flous il tire des conclusions qui ne pourront être que des projections fantasmées. Un dialogue d'une grande émotion avec le spectre de son père souligne ceci avec beaucoup d'intelligence, dans cet échange son père lui fait comprendre d'une part qu'il se doutait que son fils était homosexuel, d'autre part que s'il ne lui a jamais demandé pourquoi son enfant rentrait en larmes de l'école où il subissait les brimades de ses camarades, c'est en raison d'une pudeur déplacée mais nullement par manque d'amour en d'empathie.
Cet aveu paternel, fusse-t-il imaginé, ainsi que d'autres échanges tout autant rêvés avec ses parents, lui permettant d'apporter des réponses à des questions existentielles auxquelles il doit répondre pour avancer et sortir de sa mélancolie, lui ouvrent aussi les portes vers l'altérité et cette altérité s'incarne dans Harry, le voisin. Les deux hommes se rapprochent et nouent une relation amoureuse, qui ne se veut pas un étendard militant, le film en effet ne joue jamais cette partition, les protagonistes sont ici homosexuels, mais il ne m'apparait pas que cela soit primordial ou qu'une caractérisation hétéronormée aurait drastiquement changé le fond du propos et les thématiques développées. Les thèmes notamment de la parole et de sa réception auprès de son entourage.
Harry bien que paraissant endosser le rôle de celui du couple qui incarne la force tranquille et apaisée de celui qui a totalement accepté ce qu'il est, il décrie notamment les réactions idéales qu'ont eu ses parents lors de son coming-out, se révèle donc un miroir d'Adam, avenant et volontiers sociable quand l'autre reste froid et foncièrement solitaire, d'humeur joyeuse quand Adam se complet dans sa tristesse viscérale, ouvert aux expériences diverses quand son partenaire hésite et craint la nouveauté, la glace et le feu se conjuguent dans une relation qui malgré l'image et la mise en scène voulant nous la montrer comme charmante et détendue va se révéler d'une nature beaucoup plus complexe.
Dans un dernier acte qui retourne les stigmates et remue nos attendus dans une geste radicale, se joue une révélation que certains critiques prétendent avoir vu venir très vite, mais qui moi m'a cueilli sans que je la vois venir. Un dernier sursaut narratif qui m'a mis en larmes dont je salue la force émotive et qui prétend prouver que finalement ce n'est pas tant ce qu'on dit qui compte, mais les intentions qu'on y a mit et que dès lors imaginer, même à postériori, les mots thérapies peut avoir autant de force qu'un vrai échange, peut-être même encore plus.