Avec Bergman, on sait d'avance que le sujet traité ne le sera jamais totalement sereinement.
Qu'il s'agisse des relations familiales, du rapport au corps ou encore à la religion.
D'ailleurs pour faire simple, le grand-père Johan, c'est lui... Au crépuscule de sa vie, comblé par les femmes et pourtant torturé par l'existentialisme et la noirceur du quotidien.
Le seul vecteur de stabilité émotionnelle (et de justice) est son ancienne femme, à la vie comme à l'écran : Liv Ullmann.
Les marques de fabrique visuelles de Bergman
2 aspects pour ausculter la mise en scène spécifique de ce film :
- les jeux de lumière : je ne retiens pas d'élément puissant dans Sarabande et c'est finalement le plus marquant.
La couleur est passée par là et Bergman semble ne plus savoir comment l'utiliser (contrairement à Fanny et Alexandre).
Adieu les magnifiques "Clairs / Obscurs caravagesques" ! De ce point de vue, l'ambiance nocturne de Sonate d'automne était également plus saisissante.
- la focalisation de la caméra sur les visages : ici le réalisateur fait des merveilles notamment grâce à Börje Ahlstedt (le père Henrik).
Les manifestations de ses émotions sont incroyables : mépris, stupéfaction, déception, cynisme...
Les sujets clés du film
En préambule, j'ai été moins enthousiasmé par les ressorts globaux de Sarabande que de ceux de nombre de ses précédentes œuvres.
Bergman n'atteint pas la puissance de l'approche existentialiste dotée d'une once de mysticisme présentes dans Les fraises sauvages ou encore dans Fanny et Alexandre.
De quoi parle-t-on ici (ou en fil rouge) ?
- la relation parent - enfant. Elle est attaquée sous bien des aspects et situations : mère - fille (voir ci-dessous), père - fils (la relation qui accueille ou au contraire étouffe), père - fille (la relation de tutelle ou au contraire dévorante) voire père - belle-fille ou mère - beau-fils.
Un thème majeur du film est l'inceste déjà largement abordé dans Sonate d'automne, sous le même prisme.
- l'amour. Marianne (la grand-mère) dira : "peut on vire en couple de manière aussi naïve et aussi sûre de soi ?"... La question devient ainsi : "le bonheur est-il corrélé à la lucidité ?"
- l'existentialisme. Le grand-père, le père, la fille... tous sont soumis à leur destin
et l'analyse du chemin parcouru ou à parcourir.
- la musique. Un fil rouge habituel depuis Vers la joie, repris à travers le scénario et la bande son (Bach, Bruckner, orgue, violoncelle etc.).
De quoi parle-t-on peu (ou en filigrane) ?
- la maladie. Elle appartient à tous les personnages vivants ou morts (mains qui s'affolent, crises d'angoisse, dépression, cancer...). C'est aussi celle de la somatisation face à des agressions physiques et mentales.
implicitement, la fin du film suggère un viol de la fille de Marianne (Liv Ullmann) par son père Johan.
- la religion. Elle est omniprésente que ce soit à travers les objets (médaillon omniprésent et qui accepte aveuglément des événements... déjà en 2003...), les lieux (l'église) ou encore la musique sacrée.
Pour résumer Sarabande, il est dans le prolongement de Sonate d'automne et me parait complémentaire.
Avec donc :
- les mêmes atouts (les thèmes abordés sans concession mais subtilement et en "ouverture")
- les mêmes aspects qui rendent Bergman difficile d'accès (un huis clos à la narration lente et peu "clinquante").