Le cinéma de Gaspar Noé qui a, soi-disant, découvert ce film alors qu'il tournait "Carne" au début des années 90, doit beaucoup à "Schizophrenia".
Des thèmes communs d'abord, de "Carne" et sa poésie urbaine désespérée à "Seul contre tous", prolongement du moyen métrage sus-mentionné à deux reprises et que l'on peut voir comme une variation bavarde du film de Kargl, pour le fond, et Rybczynski, pour les expérimentations qui lui donnent sa forme. Un visuel qu'il partage aussi donc, un ton, une longueur d'ondes. On surfe sur la même vague.

Mais ce film inonde aussi le reste de la filmographie de la tête d’œuf à moustaches qui parle comme s'il murmurait en soupirant. Mais en moins audible.
Du couloir-tunnel lugubre d'"Irréversible" à la caméra d'"Enter the Voïd", qui flotte comme une âme perdue et tourmentée, s'étalent avec Angst sous mes yeux ébahis les racines du cinéma de Noé.

En plus rêche, en moins glitter, en plus viscéral.

Il y a cette caméra qui tourne autour d'un axe. Elle t'hypnotise. Elle fait des cercles. Au centre, un homme, un psychopathe, un vampire nécrophile qui retrouve la liberté après des années à l'ombre.

On a l'impression de flotter. Comme vaporeux. Voyeurs. C'est organique, bétonné par une voix off atone qui, du parallèle entre ce qu'il raconte et ce qu'on voit à l'écran, avec la musique, participe au malaise. La langue allemande aussi.

Une caméra qui bouge tout le temps, comme ça doit bouger tout le temps dans les plis d'un esprit dérangé. Un récit tragique, voyeur, heurtant.

Une prouesse formelle qui ne juge à aucun moment. On criera à l'étalage nauséabond d'actes abjects. Pourtant, et c'est la force de ces films qui ne prennent pas la pose, s'écartant par exemple de ce que devient Noé avec le temps, c'est un voyage dans la tête d'un fou. Sans complaisance, comme les contes d'autrefois qui nous parlaient d'ogres, de sorcières cannibales et de petons rabotés pour pouvoir entrer dans une chaussure de vair. Des contes qui nous terrifiaient, comme ce film et son autre façon de nous parler des dégénérés, liquéfiante tout en flattant notre côté "je ne rate pas un seul «Faites entrer l'accusé». En nous faisant voyager, un moment, avec l'un d'entre eux.

Une claque.
DjeeVanCleef
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le 11 janv. 2014

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DjeeVanCleef

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