Il y a toujours un coté un peu énervant aux adaptations de comics, un truc genre "syndrome du grand frère" qui prend son cadet par les épaules pour lui dire : nan, t'es mignon tout plein, hein, et je suis flatté que tu cherches à tout prix à m'imiter, mais bon regarde, un homme un vrai, c'est ça... Et hop, le film de vouloir en mettre plein la vue à la BD, du style "les pauvres, il ne leur manque que le mouvement".
Et bien pour une fois, pas du tout ! Certes, l'idée de O'Malley était déjà très chouette en dessin (un geek dont la vie se transforme en jeu vidéo le jour où il se met en tête de sortir avec la mystérieuse Ramona Flowers), n'empêche que pour le coup, en faire un film permet de rendre cette bascule entre vie réelle et jeu virtuel encore plus efficace.
Bon, il se trouve, en outre, qu' Edgar Wright a su trouver le moyen de faire coexister les trois codes (BD - film - jeu) de façon assez maline : omniprésence de l'écrit, rapidité des transitions, grande liberté visuelle, les styles s'entremêlent avec une virtuosité qui ne tombe jamais dans le tape-à-l'oeil, peut-être parce que le réalisateur parvient à faire coexister un second degré permanent et une "naïveté" désarmante sans que jamais l'un ne prenne le pas sur l'autre. Et le fait d'avoir choisi Michael Cera pour incarner Scott, ce loser balèze, Don Quichotte des temps modernes englué dans la fiction des jeux vidéos, n'est surement pas pour rien dans ce parfait équilibre : toujours sur la corde raide, à la fois touchant et horripilant, maladroit et combatif, timide et déterminé, il campe à merveille le super-non-héros, qui, oxymore vivant, gagne en étant nul : tout à la fois malgré sa nullité et parce qu'il est nul.
Le film est à l'image de ce personnage commun hors du commun, et montre peut-être mieux que n'importe quel manifeste où réside la revanche des films de genre sur le cinéma dit "sérieux"... Scott Pilgrim, ou "de la fierté des humbles".