Pour un film d'horreur, Shining montre beaucoup et dit peu. Le pouvoir des images et leur agencement dans un architecture immense et dédaléenne va bien au delà des paroles et des écrits des personnages.
Les images ont le pouvoir d'effrayer, consoler, émouvoir, interloquer, leur fonction n'est pas d'expliquer. La dernière donne un sens nouveau au film, mais chacun peut l'interpréter comme il le souhaite ( j'y vois facilement trois ou quatre histoires possibles ). Et en ces temps modernes de surinterprétations délirantes ( les Simpson avaient prédit l' élection de D Trump ), ces théories qui en découlent, abondent comme des conneries en bande ( je renvoie à la critique magistrale du bon vieux sergent pepper sur le film room 237.)
La musique, l'espace, le tempo monotone du montage donne une majestuosité assez Barry Lyndon à l'ensemble. Kubrick s'intéresse moins à ses personnages qu'au spectacle de leurs tourments ou dérélictions. L' acteur Scatman Crothers s'en est fait le porte voix, la multiplication des prises, un Kubrick avare de mots pour diriger, - Mais que voulez-vous, Monsieur ? Dites-moi ce que vous voulez, Monsieur ?
L'artiste crée ses tableaux, l'architecte ou le joueur d'échec place ses pièces, et il leur fait produire le "masque" qu'il attend d'eux. Pourquoi croyez-vous qu'il choisit Nicholson et Duvall pour faire "couple"? Il utilise leurs géométries faciales et leur capacité à en varier les expressions pour composer des masques exagérés. Après mon troisième visionnage du film, l'effet horrifique s'est nettement atténué, laissant émerger en lieu et place une sorte d'impression de grand-guignol sardonique du père Stanley. Et une conjuration de l'échec en objet d'Art.
Il se moque de nous, du genre en vogue, dont il s'est saisi pour mieux le plier à ses obsessions de Créateur supérieur, marqué par son propre échec, critique et commercial de son film précédent.
D'autres ont fait mieux que moi la psycho-analyse du film et de son créateur, je m'amuserai simplement à souligner ce qui a cristallisé en moi cette fois: un film livre d'images sur un écrivain dont la seule phrase écrite est "All work and no play makes Jack a dull boy", étrangement traduit en français en "un tien vaut mieux que deux tu l'auras".
L'obsédé du contrôle Kubrick, maniaque de la post-production/diffusion impeccable aurait ignoré cette erreur, volontaire?*
Si quelqu'un a une information, je suis prêt à la levée de mystère.
Je retiendrai de manière décisive de ce film ce qu'a voulu dire ce bon vieux Bernie dans sa critique https://www.senscritique.com/film/Shining/critique/106619774 , qu'il est "la signification même du cinéma, le faux et le vrai se mêlant inexorablement dans la seule vertu de perdre son spectateur et dans la troublante relation que chacun entretient avec un film, c'est à dire avec soi-même."
Chacun, du cinéaste au spectateur y projette la signification qu'il désire, les images n'étant que le véhicule du parcours emprunté vers l' Hôtel Overlook, réceptacle labyrinthe de nos inconscients profonds.
Shining serait donc la leçon de/ sur le cinéma de Mister Kubrick, avant Eyes Wide Shut , sa leçon sur la condition des femmes.
All work and no play makes Kubrick's film a dull lesson ?
All play and no work makes Kubrick's film a shining lesson?