Si l’on parvient à faire abstraction de toutes les théories et autres délires qui ont pu tourner autour de ce film, et que l’on se recentre sur ses principales qualités, c'est-à-dire sa grande capacité à juguler toute cette mythologie l’entourant sur le simple fait d’être une perfection d’esthétisme – ce que le cinéma de Kubrick a toujours été – de par sa volonté obsessionnelle d’apporter une grande aura visuelle à toute ses œuvres - d’être un sommet de tension permanente parfaitement maitrisé, et d’offrir à Jack Nicholson son rôle le plus marquant – on peut s’interroger néanmoins sur le fait qu’après Shining, l’acteur ne parviendra que difficilement à sortir de son personnage de Jack Torrance, aussi bien dans son jeu passif, ses mimiques, son regard si particulier, mais également dans ses célèbres, et parfois excessifs cabotinages, comme si l’acteur et le personnage avait définitivement mutés, on fait le constat, encore de nombreuses années sa première découverte en salle…. - Hé oui, j’ai eu cette chance, et celle d’assister à un concert de Nirvana en live… ;) - de la puissance évocatrice de ce film qui demeure avant tout un grand moment de cinéma horrifique et parvient de par son imagerie à définitivement marquer la rétine.
Esthétiquement, le film est un sommet d’inventivité visuel de par le choix des décors, les tapisseries et moquettes, le choix apporté à l’image, les jeux de clair-obscur, les tons de lumière qui évoluent selon les points de vue, la perfection de ses plans, ces travelings spatiaux et flottants au gré des couloirs et autres coursives, cette grande capacité à drainer des formes inquiétantes, des apparitions spectrales singulières, réussir à nous faire flipper avec deux fillettes avec des nattes quoi…, qui 40 ans plus tard parviennent encore à générer du malaise, toutes ces caractéristiques, en font une référence incontournable du cinéma de peur.
Toute la teneur de cette œuvre labyrinthique est conditionnée par une mise en image opératique ultra contrôlée dont le catalyseur, sa propre thématique, la folie, est le principal carburant. La perfection de l’esthétisme parvient même à faire oublier le jeu parfois excessif des interprètes, surtout Shelley Duvall qui fait parfois un peu trop potiche, et poussent leurs personnages en les soumettant aux adjonctions de l’esprit maléfique des lieux - qui finissent même par prendre possession du spectateur - et les lancer dans un jeu de chat et souris létal à travers les couloirs anormalement linéaires mais manifestement hantés de leur propre mental.
Quoi que l’on puisse dire de ce film, ses infidélités à l’œuvre littéraire, la mythologie l’entourant, ses diverses interprétations qui peuvent prêter à réflexion quand on connaît le personnage Kubrick, pur génie ou manipulateur amusé…, il demeure encore inégalé dans son style et parvient toujours à générer de la pétoche et de l’inconfort, et à garder intacts ces effets, malgré les tumultes du temps, ce qui n’est pas donné à beaucoup d’œuvres.