La caméra suit Danny avançant sur son tricycle dans les couloirs labyrinthiques de l'hôtel désert. Le bruit lancinant des roues s'interrompt quand il passe du parquet aux tapis, puis reprend. La musique - contemporaine et choisie avec soin - fait monter la tension. Au jeu admirable sur les sons s'ajoutent les flashes visuels - jumelles déchiquetées, litres de sang jaillissant de l'ascenseur - qui vous titillent sérieusement la moelle épinière, surtout si vous êtes seul devant votre téléviseur, entre chien et loup. Jack Nicholson, génial et grimaçant, serait-il derrière la porte ?
Shining - le premier gros succès commercial de Kubrick - est d'abord un exercice de style, une « symphonie de la terreur » où le cinéaste, au sommet de son talent, substitue aux effets bâclés du film d'horreur classique toute sa science de la mise en scène, fondée sur l'utilisation quasi géométrique du décor. L'hôtel désert devient une sorte d'espace mental, où s'exprime de façon concrète le déséquilibre grandissant de son héros...
Le film nous plonge progressivement dans l’horreur pure, jusqu’à l’immersion totale. Avec un matériau de base solide et terrifiant, la performance de Jack Nicholson en dément hystérique (et non plus détaché et cynique comme dans Vol au-dessus d’un nid de coucou), Kubrick tisse avec un rythme méthodique une toile de tension extrême qui se resserre peu à peu autour de quiconque se laisse prendre au piège. L’utilisation de la musique de Györgi Ligeti ainsi qu'aux aigus stridents, agit comme un catalyseur lent mais efficace, propre à cristalliser les bouffées d’angoisse des scènes les plus intenses...
Kubrick a d'abord voulu faire un grand film, à la fois adulte et qui fait vraiment peur. Pari réussi !!!