C'est par le film vu à sa sortie en 1980 que je suis entré dans cette histoire. Ce fut une vraie claque (cinématographique). Puis, dans la foulée, j'ai découvert le livre de Stephen King que j'ai adoré. Le livre est assez différent du film notamment dans sa conclusion qui est plus optimiste mais aussi sur de nombreux points dans son déroulé.
Je partage d'ailleurs le point de vue de Stephen King qui a aimé le film de Kubrick en tant que spectateur et qui l'a détesté en tant que romancier.
Et d'ailleurs, il s'est produit chez moi un phénomène étrange où je confondais facilement roman et film, où j'attribuais au film des scènes voire même des dialogues qui n'existent que dans le roman. Ce qui tendrait à prouver que film et roman, même différents, restent complémentaires.
Et, une fois qu'on connait bien le roman et qu'on revoit subitement le film, on s'étonne que l'hôtel ne soit pas aussi "personnifié" pour sa vie occulte (les revenants, les animaux en buis) ou pour sa fragilité (la pression de la chaudière), qu'on ne trouve que très peu d'échanges télépathiques entre Danny et Dick Hallorann. Mieux, on se persuade que le fond du problème de Jack Torrance est une rechute de son alcoolisme alors que Kubrick privilégie plutôt la folie dès le début (Il n'y a seulement qu'une petite allusion à un problème d'alcool dans le film).
Ce qui fascine dans le film et qui "complète" si bien le roman, c'est certainement la mise en scène. De la coccinelle qui serpente la longue et belle route sinueuse pour rejoindre l'Overlook donnant une impression de distance infinie, d'évasion d'un monde ordinaire pour pénétrer un autre monde lointain. Paradisiaque puisqu'il s'agit d'un lieu touristique de villégiature !
Et une fois qu'on est dans ce monde lointain, on n'y tourne plus qu'en rond. On y tourne en rond dans l'hôtel avec ces superbes travellings dans les couloirs où tout converge vers cette fameuse chambre 237 (ou 217 dans le roman…) ou que ce soit dans le parc avec ce labyrinthe en buis qui semble inextricable. Et quand la neige est là, l'univers est encore brutalement restreint…
Accompagnant la mise en scène, la musique avec ses rythmes palpitants (c'est le cas de le dire) et ses sons étranges ou suraigus, conforte le climat horrifique au sein de cet hôtel et de la petite famille.
Et ce n'est pas non plus les transitions brutales d'une scène à l'autre qui vont calmer l'angoisse du spectateur.
Les choix des acteurs n'est pas non plus laissé au hasard. Inutile de s'étendre sur l'évidente performance de Jack Nicholson qui domine la distribution dans le jeu d'un machiavélique psychopathe. C'est le personnage de la mère, Wendy, tenu par Shelley Duvall que je trouve aussi très réussi. J'ai lu que Kubrick avait éreinté l'actrice pendant le tournage mais il faut avouer que le résultat est là. Le personnage du film, un peu indolent, est très différent de celui du roman, plus énergique. Mais compte-tenu des choix scénaristiques de Kubrick, on comprend bien qu'il fallait ici un jeu d'épouse un peu candide, soumise à son mari mais protectrice de son fils.
Un autre personnage est intéressant, c'est celui de Dick Hallorann, le chef cuistot, capable de converser télépathiquement avec Danny. Mon seul regret est qu'il n'ait pas été un peu plus développé. L'acteur Scatman Crothers, que je ne connais pas beaucoup au-delà de ce film, est la touche pleine de chaleur et d'humanité dans ce film.
Pour finir, même si je ne suis pas très fan du genre "film d'horreur", je suis toujours un peu surpris de constater que j'aime bien ce film. S'il me fallait trouver un embryon d'explication, peut-être me faudrait-il le chercher du côté d'un film qui se contente de rester au niveau des êtres humains (vivants ou morts) sans avoir à faire intervenir des autorités supérieures … Mais c'est une condition nécessaire mais pas suffisante …